1.1 - Illusions perceptives intermodales

1.1.1 - Quand la vision altère l'audition
"Effet McGurk"

L'un des exemples les plus frappants de ces illusions a été mis en évidence par McGurk et McDonald (1976) dans le domaine de la parole. Cet effet McGurk est dû à l'influence de la perception visuelle du mouvement articulatoire des lèvres sur la perception auditive de la parole. Dans leur expérience princeps, McGurk et McDonald montrent que la perception auditive de la syllabe /ba/ est modifiée par la perception simultanée du mouvement des lèvres articulant la syllabe /ga/, la syllabe finalement perçue étant /da/ (fusion des syllabes /ba/ et /ga/) (Figure 1) 1 . Cet effet est particulièrement robuste puisqu'il persiste lorsque les sujets connaissent la nature des informations unimodales.

Ce percept illusoire peut s'expliquer par le fait que les informations auditives et visuelles de la parole dans les conditions habituelles, sont complémentaires et concordantes. Or acoustiquement et visuellement, les syllabes /ba/ et /ga/ sont très différentes l'une de l'autre, mais d'un point de vue acoustique la syllabe /ba/ est plus proche de /da/ que de /ga/, et d'un point de vue visuel la syllabe /ga/ est plus proche de /da/ que de /ba/. Compte tenu des proximités perceptuelles différentes de ces syllabes dans les deux modalités, et afin de satisfaire à la concordance habituelle des informations bimodales, l'interprétation la plus cohérente est /da/.

Figure 1 . Illustration de l'effet McGurk. Lorsque la bouche articule la syllabe /ga/ alors que l'information sonore est la syllabe /ba/, les sujets perçoivent généralement /da/.

Plus récemment, on a montré que cet effet pouvait également être observé pour des phrases entières. La présentation visuelle de la séquence "my gag kok me koo grive" doublée de la séquence sonore "my bab pop me poo brive" induit la perception de la phrase "my dad taught me to drive" (Massaro et Stork, 1998). Dans ce cas, l'illusion perceptive est d'autant plus forte que les deux séquences isolées n'ont aucun sens et que seule leur fusion permet d'obtenir une phrase intelligible, cohérente pour le sujet.

‘"…la perception est fonction non pas tant de l'intensité d'une stimulation que de la concordance de celle-ci avec une hypothèse faite par le cerveau" Berthoz (1997, p.61)’

L'existence de l'effet McGurk suggère que les informations linguistiques visuelles et auditives convergent très tôt dans la chaîne de traitement, avant l'interprétation phonétique (Summerfield, 1987).

Notes
1.

Cette illusion peut être testée sur le site : http://www.psych.ucr.edu/avspeech/VSMcGurk.html.