4.1.2 - Tâches de détection et perception passive

Dans une autre étude irmf basée sur l'analyse par intersection, Downar et collaborateurs ont montré l'existence d'un réseau d'aires cérébrales commun aux trois modalités (auditive, visuelle et somesthésique) qui serait impliqué dans la détection d’un changement soudain dans l’environnement sensoriel (orientation involontaire de l’attention) (Downar et al., 2000). Dans cette expérience, les sujets "observaient" passivement trois stimuli (un de chaque modalité) qui étaient présentés simultanément et de façon répétitive. Le stimulus visuel était une forme abstraite rouge ou bleue, le stimulus sonore un bruit de pluie ou un croassement de grenouille, et le stimulus somesthésique un mouvement circulaire ou un "tapotement" effectué avec une éponge sur la jambe du sujet. De temps à autre, l'un des trois stimuli était remplacé par son homogue (par exemple, la forme rouge était remplacée par la forme bleue). Les résultats ont mis en évidence un réseau commun impliquant la jonction temporo-pariétale, le gyrus frontal inférieur, l’insula – ces activations étant plus importantes au niveau de l’hémisphère droit -, ainsi que l’aire motrice supplémentaire et l’aire cingulaire gauche.

Par ailleurs, en utilisant une tâche où les sujets devaient rapporter si un changement avait effectivement eu lieu dans une modalité particulière (visuelle ou auditive), ces mêmes auteurs ont montré que la jonction temporo-pariétale ainsi que l'aire cingulaire antérieure sont impliquées de façon préférentielle dans la détection de changement sonore ou visuel lorsque la modalité est pertinente pour la réalisation de la tâche (Downar et al., 2001). Enfin, un réseau très similaire serait également activé dans le traitement de la nouveauté quelle que soit la modalité sensorielle impliqué (auditive, visuelle ou somesthésique) (Downar et al., 2002) (Figure 23).

Figure 23 . Localisation des régions multimodales présentant une réponse plus fortes pour les stimuli nouveaux que pour les stimuli familiers. tpj : jonction temporo-pariétale droite, ifg : gyrus frontal inférieur droit, lacc : cortex cingulaire antérieur gauche. (D'après Downar et al., 2002).

A la lumière de ces résultats, les auteurs ont suggéré que la jonction temporo-pariétale, le gyrus frontal inférieur, l'aire cingulaire antérieure et l'insula antérieure seraient engagés dans la détection d'évènements sensoriels, les activations étant d'autant plus fortes que ces évènements seraient perceptivement saillants (des stimuli nouveaux étant plus saillants que des stimuli familiers).

‘Ces résultats peuvent être rapprocher des observations relatives au syndrome d'héminégligence. En effet, ce syndrome est le plus souvent observé à la suite d'une lésion du cortex pariétal droit, et en particulier de la jonction temporo-pariétale droite, et se caractérise par une incapacité à réagir ou à traiter des stimuli sensoriels (visuels, auditifs, tactiles, olfactifs) présentés dans l'hémichamp contro-latéral à la lésion (Friedrich et al., 1998). Par ailleurs, ces patients présentent également souvent des lésions au niveau de l'insula et/ou des cortex frontal dorsal et temporal supérieur (Driver et Mattingley, 1998 ; Kerkhoff, 2001). ’

Par le même type d'analyse irmf, Foxe et collaborateurs (2002) ont montré que des informations auditives et somesthésiques pouvaient converger au niveau du cortex auditif, le long du gyrus temporal supérieur (Figure 24). Dans leur expéreince les sujets observaient passivement des stimuli auditifs et somesthésiques présentés de façon séparée. Ces résultats s'accordent avec des données récemment obtenues chez le singe et qui ont été décrites dans le précédent chapitre : à partir d'enregistrements intracrâniens, Schroeder et collaborateurs ont en effet montré une convergence des informations somesthésiques et auditives au niveau du cortex auditif associatif (Schroeder et al., 2001 ; Schroeder et Foxe, 2002).

Figure 24 . Activations obtenues par la présentation de stimuli auditifs (A) et somesthésiques (B) projetées sur une représentation 3-D de l'hémisphère gauche. L'échelle de couleur représente les valeurs significatives de p<0.05 (rouge) à p<0.01 (jaune). Région de chevauchement de ces deux cartes au niveau de la portion postérieur du cortex auditif (C) et sur des coupes axiale et coronale (D). (D'après Foxe et al., 2002).