5.1.1 - Enregistrement de l'activité électrique cérébrale et extraction des potentiels évoqués

La communication neuronale se manifeste par une propagation de signaux électriques issus d'activités biochimiques (passages sélectifs d'ions, agents neurotransmetteurs) (voir par exemple Malmivuo et Plonsey, 1995). Les courants électriques créés par une population de neurones diffusent à travers des milieux de conductivité variable (tissu cérébral, liquide céphalo-rachidien, os), et donnent naissance à des variations de potentiel électrique enregistrables à la surface du scalp. Les premières traces de l'activité électrique cérébrale observées chez l'homme sont dues au neurophysiologiste allemand Hans Berger (Berger, 1929). La technique qui en résulte, l'électroencéphalographie (eeg), consiste à enregistrer la différence de potentiel entre une paire d'électrodes situées sur le scalp du sujet. On peut ainsi mesurer l'activité électrique cérébrale spontanée résultant de l'ensemble des neurones actifs, dont l'amplitude peut atteindre 100 à 200 micro-volts. La résolution temporelle de cette technique est aujourd'hui de l'ordre de la milliseconde, et permet donc de suivre très précisément la dynamique d'activation de grands ensembles neuronaux.

Toutévènement, perceptuel, moteur ou cognitif,peutprovoquerune modification de l'activité électrique cérébrale dans différentes populations de neurones. Ces variations ou potentiels évoqués (pe) ont une latence relativement stable par rapport à la présentation de l'évènement, mais sont généralement de très faible amplitude (de l'ordre de quelques micro-volts) par rapport à l'activité électrique spontanée. Elles sont par conséquent noyées dans le "bruit de fond" de l'eeg. Chez l'homme, l’extraction de ces réponses électriques spécifiquement liées à une stimulation est attribuée à Pauline Davis en 1939. Le principe repose sur le moyennage synchronisé sur la stimulation : le stimulus responsable de la variation électrique est répété un grand nombre (plusieurs dizaines ou centaines) de fois et les segments d'eeg calés sur chaque stimulation (synchronisation sur l’évènement) sont moyennés entre eux. L'activité spontanée aléatoire s'atténue fortement tandis que la réponse spécifique évoquée par le stimulus (pe) se dégage du "bruit" physiologique (eeg) (Guérit, 1993)(Figure 32).

Figure 32 . Principe de l'extraction des potentiels évoqués. En haut : eeg enregistré en continu à partir d'une électrode pendant la présentation de stimuli visuels ; en bas : pe obtenu par moyennage de séquences du signal eeg calées sur les stimulations visuelles.

Les pe obtenus par moyennage apparaissent comme une série de déflections de polarité positive ou négative 9 . Leur polarité dépend de mécanismes excitateurs et inhibiteurs complexes ayant lieu au niveau synaptique mais n'a pas d'implication directe sur l'interprétation des traitements fonctionnels sous-jacents.

On considère généralement que les composantes précoces sont spécifiques à la modalité et sensibles aux variations des paramètres physiques des stimulations utilisées. Elles sont donc qualifiées d'ondes exogènes ou obligatoires (Näätänen et Picton, 1987). Elles peuvent être suivies ou chevauchées par des ondes dites endogènes qui dépendent en grande partie de facteurs subjectifs (niveau attentionnel du sujet, tâche à effectuer…).

Notes
9.

Par convention, l'identification d'une onde du pe ainsi obtenu code (1) sa polarité (N négative et P positive), et (2) la latence de son pic d'activation. Dans l'exemple illustré par la Figure 32, la première grande déflection peut ainsi être notée N170, la négativité étant représentée vers le haut, et le pic d'activation étant atteint vers 170 ms.