Interactions neuronales dans les aires auditives

Un premier pattern d'interaction est observé entre 80 et 140 ms de latence. De façon inattendue, comme l'illustre la Figure 49,cet effet apparaît uniquement dans la condition non - attention chez les sujets à dominance auditive. Il consiste en un champ de potentiel positif sur les régions fronto-centrales (amplitude moyenne à Fz, F3, FC1, FC2, Cz, C3, CP1 : 1.05 V) associé à des potentiels négatifs vers les mastoïdes. Cette activité est significative (p<0.05) de 85 à 105 ms et de 120 à 135 ms, mais conserve une topographie stable durant toute la période. La distribution spatio-temporelle de cet effet, similaire à celle de l'onde N1 auditive mais de polarité opposée, suggère donc que ces interactions pourraient refléter une diminution de l'amplitude de l'onde N1 auditive, c'est-à-dire une activation plus faible de ses générateurs dans le cortex auditif.

Figure 49 . Interactions neuronales entre 80 et 140 ms sur les régions fronto-centrales. Les distributions de potentiel et les cartes de Student (illustrant les zones où les interactions sont significatives au seuil de 5 %) sont données séparément chez les sujets auditifs et visuels et selon la condition expérimentale : attention vs non - attention .

LaFigure 50 et le Tableau 2illustrent en détail l'effet de l'attention sur les pe auditifs unimodaux et bimodaux séparément chez les sujets auditifs et visuels. Ces données confirment que, quel que soit le groupe de sujets, l'attention n'avait pas d'effet sur l'onde N1 auditive unimodale 12 . Par contre, chez les sujets auditifs, les amplitudes de l'onde N1 sont similaires pour les réponses unimodales et bimodales (respectivement -6.0 et -5.9 V à Fz) dans la condition attention , mais elles diffèrent dans la condition non-attention (amplitude moyenne des réponses unimodales et bimodales : respectivement -6.1 vs -4.9 V à Fz ; p<0.03). Cette diférence est confirmée par une anova à deux facteurs comparant l'amplitude de l'onde N1 à Fz selon la modalité (réponses unimodales / bimodales) et l'attention ( attention / non-attention ) : l'analyse ne montre pas d'effet principal de l'attention, mais une interaction significative des deux facteurs [F(1,6)=7.82, p<0.03]. Autrement dit, les interactions observées autour de 80-140 ms traduisent très probablement une diminution de l'onde N1 auditive dans la réponse bimodale quand l'attention est portée sur les caractères alphanumériques.

Figure 50 . Effet de l'attention sur l'onde N1 auditive dans les pe auditifs unimodaux et bimodaux enregistrés en Fz, séparément chez les sujets auditifs et visuels (* : différence significative à p<0.03).
Tableau 2 Amplitudes moyennes  écarts-types (en V) de l'onde N1 auditive à Fz, dans les pe unimodaux auditifs (A) et bimodaux (AV) selon la condition attentionnelle séparément pour les sujets auditifs (N = 7) et visuels (N = 10).
Sujets auditifs Sujets visuels
attention non-attention attention non-attention
pe unimodaux (A) - 6.0 ± 1.5 - 6.1 ± 1.9   - 4.3 ± 1.7 - 3.9 ± 1.6
pe bimodaux (AV) - 5.9 ± 1.9 - 4.9 ± 2.1   - 4.0 ± 1.5 - 4.1 ± 1.3

Remarque : dans toutes nos expériences, nous avons séparé les deux groupes de sujets sur des critères purement comportementaux portant sur le temps de réaction le plus court dans les réponses unimodales auditives ou visuelles. La figure 50 montre que les groupes de sujets ainsi définis se distinguent également par leur réactivité neuro-électrique dans le cortex auditif : les sujets auditifs ont une réponse N1 auditive plus ample que les sujets visuels (Tableau 2 ; Figure 50).

Notes
12.

Cette absence d'effet attentionnel sur l'onde N1 auditive (et jusqu'aux latences de 150 ms environ), peut paraître surprenante à la lumière des données de la littérature sur l'attention auditive. Notons cependant, que contrairement à la plupart de ces études, notre protocole ne manipulait pas l'attention spatiale (paradigmes classiques d'écoute dichotique par exemple) mais l'attention basée sur l'objet. Ces résultats montrent des effets attentionnels plus tardifs (vers 150 ms).