9.4.1 - Interactions dans les aires modalité-spécifiques

Dans le cortex auditif

Etant donné les résultats obtenus dans la tâched'identification de cibles redondantes (Giard et Peronnet, 1999) nous nous attendions dans la condition attention et chez les sujets visuels à retrouver une augmentation de l'amplitude de l'onde N1 auditive traduisant une facilitation du traitement auditif en présence de l'information visuelle. Or nous n'avons pas observé d'effet sur l'onde N1 auditive dans ce cas (Figure 49 : ligne 1). Ce résultat (ou absence de résultat) pourrait être expliqué par la présence des lettres à ignorer dans cette expérience. En effet, il est possible que dans ce flux visuel rapide et complexe, le traitement de l'information pertinente (déformation des cercles en ellipse) soit perturbé et ne pourrait plus faciliter le traitement de l'information auditive.

En revanche, dans la condition non - attention , nous avons observé des interactions pouvant correspondre à une diminution de l'amplitude de l'onde N1 auditive chez les sujets auditifs. Cette observation, a priori étonnante, appelle trois remarques :

  • Tout d’abord, étant donné que nous n’avons pas observé d’effet attentionnel sur la réponse auditive unimodale, ces résultats indiquent que les réseaux d'interaction qui sous-tendent les phénomènes intégratifs dans le cortex auditif sont plus sensibles à l’attention que le traitement uni-sensoriel.
  • Par ailleurs dans la condition non-attention , la modalité auditive, contrairement à la modalité visuelle, devait être entièrement ignorée. Plusieurs études sur l’attention ont montré l’existence de mécanismes actifs de rejets des entrées acoustiques non-pertinentes, se manifestant, dans les pe, par un déplacement positif de la réponse pour les stimuli non-pertinents (Alho et al., 1987 ; Berman et al., 1989 ; Michie et al., 1990 ; Alain et Woods, 1994 ; Alho et al., 1994), et dans les études de neuroimagerie par une activité plus faible dans le cortex auditif (Ghatan et al., 1998 ; Kawashima et al., 1999). Les résultats observés ici suggèrent donc que ces mécanismes actifs d’inhibition du traitement cortical auditif sont plus prégnants sur le stimulus bimodal (sans doute pour optimiser les traitements de la modalité visuelle, pertinente pour la tâche sémantique).
  • Enfin, notons que ces processus d’inhibition du traitement auditif n’ont été observés que chez les sujets à dominance auditive, c'est-à-dire les sujets répondant vigoureusement à une entrée acoustique. Chez les sujets "peu répondants" à la modalité auditive (sujets visuels) l'attention n'a pas eu d'effet sur le traitement auditif.

Ces observations (réduction de l'amplitude de l'onde N1 auditive chez les sujets les plus répondants dans cette expérience, augmentation de l'amplitude de l'onde N1 chez les sujets les moins répondants dans l’étude de Giard et Peronnet, 1999) convergent vers l’idée que l’intégration des informations bimodales agit en "ré-équilibrant" les engagements énergétiques des cortex sensoriels spécifiques.