Dans les aires visuelles

Cette hypothèse est encore confortée par l’observation d’interactions dans les aires visuelles postérieures seulement chez les sujets à dominance auditive.

Mais, contrairement aux patterns d’interaction dans les aires auditives qui dépendaient crucialement de l’attention aux objets, les interactions sur les aires occipitales entre 120 et 150 ms sont observées quelle que soit la direction de l’attention. Ces résultats appellent là encore plusieurs remarques :

  • Tout d’abord, la distribution spatio-temporelle des effets et leur spécificité aux sujets auditifs répliquent les résultats observés par Giard et Peronnet (1999) et par Fort et al. (2002b), bien que ces effets ne commencent ici que vers 115-120 ms. L’absence d’effets plus précoces (40 ms) pourrait être due à la présence des caractères alphanumériques et à la demande énergétique visuelle requise pour les ignorer, modifiant le contexte général purement "facilitateur" créé dans les expériences précédentes.
  • Par ailleurs, le fait que ce pattern d’interaction autour de 120-150 ms ait été observé quelle que soit l’attention allouée aux objets pourrait être en partie expliqué par l’engagement général de l’attention visuelle quelle que soit la tâche (identification des lettres ou des objets). Cette hypothèse est cependant peu probable puisque l'amplitude de la réponse unimodale visuelle est significativement plus faible quand l'attention est portée aux caractères alphanumériques que lorsqu'elle est portée aux objets (voir § 9.3.2, p. 137). Des interactions significatives dans les aires visuelles quelle que soit l'attention portée aux objets pourraient donc signer la robustesse de l’implication du système visuel dans le traitement intermodal, une hypothèse renforcée par l’observation répétée d’interactions plus importantes (durée et amplitude) dans les aires visuelles que dans les aires auditives au cours de l’ensemble de nos expériences.
  • Enfin, bien que les effets soient moins stables, on observe encore, dans la condition attentionnelle, un pattern d’interaction sur les aires occipitales dont la distribution spatio-temporelle pourrait correspondre à une diminution de l’amplitude de l’onde N1 visuelle chez les sujets visuels. Ces résultats répliquent en partie les observations de Giard et Peronnet (1999) qui avaient rapporté ce phénomène chez l'ensemble des sujets. Par ailleurs, le fait que ces interactions ne sont significatives que lorsque les sujets doivent identifier les objets A et B conforte l’interprétation selon laquelle la modulation de l’onde N1 visuelle pourrait être associée à une facilitation de la discrimination visuelle (Vögel et Luck, 2000; Giard et Peronnet, 1999; Fort et al, 2002b).