10.1 - Flexibilité des processus intégratifs dans les aires sensorielles spécifiques

10.1.1 - Influence de la sensibilité sensorielle dominante du sujet pour la tâche

Un phénomène particulièrement intéressant, observé pour la première fois par Giard et Peronnet (1999) et que nous avons retrouvé dans les trois expériences présentées ici, est que les interactions mettant en jeu les cortex spécifiques sont très sensibles à la modalité sensorielle dominante du sujet pour effectuer la tâche requise.

De façon générale, ces interactions étaient plus importantes dans le cortex de la modalité non-dominante, c’est-à-dire dans le cortex auditif pour les sujets à dominance visuelle et dans le cortex visuel pour les sujets à dominance auditive. Bien que dans l’expérience portant sur les effets attentionnels, nous ayons observé une réduction de l'activité du cortex auditif chez les sujets à dominance auditive lorsque les stimuli bimodaux devaient être ignorés, ces effets ont été discutés en terme de "ré-équilibrage" des énergies sensorielles engagées (inhibition active des traitements non-pertinents dans le cortex de la modalité la plus forte).

Cette flexibilité des réseaux d'interaction en fonction de la dominance sensorielle des sujets révèle le caractère hautement adaptatif des processus intégratifs. Ces interactions joueraient un rôle facilitateur dans la réalisation de la tâche, le plus souvent en améliorant le traitement dans le cortex de la modalité la moins "efficace" pour réaliser cette tâche. Cette propriété peut être directement liée à la règle d'efficacité inverse définie par Stein et collaborateurs au niveau du neurone unitaire (revue Stein et Meredith, 1993). Rappelons que cette règle stipule que la réponse d'un neurone multisensoriel à un stimulus bi- ou tri-modal est d'autant plus forte que les différentes composantes unimodales sont peu efficaces (i.e. proches du seuil de détection). Ce principe s'appliquerait donc également chez l'homme, au niveau "intégré" de l'activité des cortex sensoriels dont la fonction intégrative serait d'autant plus forte que l'efficacité subjective des informations unimodales serait faible.