11.2 - Mesures comportementales et physiologiques : des divergences possibles

Nous avons vu dans le premier chapitre que, selon les modèles psychologiques chez l'homme, la facilitation comportementale indicée par des temps de réaction plus courts pour traiter les stimuli bimodaux redondants s'expliquerait par la présence d'interactions bimodales soit durant l'analyse sensorielle (modèle de coactivation proposé par Miller (1986,1991)), soit à des étapes plus tardives du traitement (Giray et Ulrich, 1993 ; Hughes et al., 1994), ou même pourrait être expliquée sans interaction des traitements unimodaux (Raab, 1962). Réciproquement, on a montré chez l'animal que l'intégration multisensorielle au niveau du neurone unitaire est associée à une facilitation comportementale (Stein et al., 1988 ; Stein et al., 1989).

Nos données électrophysiologiques confirment indubitablement les modèles de coactivation, en révélant l'existence d'interactions multisensorielles dans les étapes précoces de l'analyse du stimulus (sans exclure pour autant des interactions à des stades plus tardifs). Cependant, elles montrent aussi que les interactions neuronales ne signent pas obligatoirement une facilitation comportementale : les interactions observées lors de l'identification de cibles bimodales non - redondantes indiquent queles traitements sensoriels peuvent interagir même lorsque le caractère bimodal des stimuli n'induit pas de facilitation comportementale.

Ce résultat ne pouvait pas être prédit par les différents modèles théoriques cités plus haut, mais il est en accord avec les "principes neuronaux" d'intégration mis en évidence au niveau du neurone unitaire chez l'animal : des phénomènes de synergie neuronale peuvent être induits dès lors que deux entrées de différentes modalités sont présentées en coincidence spatiale et temporelle(Stein et Meredith 1993; Stein et Wallace, 1996 ; voir aussi Bushara et al. 2001).