11.3 - Dépression de la réponse neuronale et facilitation comportementale

Les études chez l'animal, ont montré que le caractère intégratif des neurones multisensoriels répondant à des stimuli bimodaux qui coincident dans le temps et l'espace se traduit par une augmentation importante de leur taux de décharge au delà de la somme des réponses unimodales. En revanche, deux stimuli unimodaux éloignés dans le temps et/ou l'espace vont induire une diminution du taux de décharge par rapport à la réponse unimodale seule (Kadunce et al., 1997).

Ces indices d'augmentation et de dépression de la réponse ont été utilisés comme critère pour détecter des sites d'intégration multisensorielle dans des études irmf chez l'homme (Calvert et al., 2000a ; Calvert et al., 2001).Or, comme le montre nos données, l'intégration bimodale de deux informations sensorielles coincidant dans le temps et l'espace peut également se manifester par une réduction de l'activité cérébrale. En effet, nous avons observé une diminution de l'amplitude de l'onde N1 visuelle générée dans le cortex extra-strié, traduisant probablement une demande énergétique plus faible dans le système visuel (facilitation neuronale) pour discriminer des stimuli rendus plus saillants par la présence d'une information sonore.

Des réductions d'amplitude similaires ont été observées dans des études pe plus anciennes (Davis et al., 1972) et dans des enregistrements meg (Busch et al., 1989 ; Raij et al., 2000). Cette dernière étude rapportait une diminution de la réponse dans le sillon temporal supérieur gauche lorsque les sujets devaient catégoriser des lettres présentées dans les modalités auditive et visuelle. La latence de ces effets (380 ms) ne permet cependant pas de dire s'il s'agit de véritables interactions bimodales, ou "simplement" d'activités communes engendrées par la nature verbale des différents stimuli utilisés (unimodaux et bimodaux) qui ne seraient pas éliminées dans la différence [AV-(A+V)]. Quoi qu'il en soit, il existe de nombreux exemples dans les données eeg/meg et tep/irmf, où une facilitation de traitement se manifeste par une réduction de la réponse neuronale (par exemple après apprentissage : Kok et de Jong 1980 ; Raichle et al., 1994). Une facilitation du traitement bimodal au niveau comportemental se traduisant par une dépression de la réponse neuronale n'est donc pas surprenante et illustre encore la variété des mécanismes neuronaux participant à l'intégration multisensorielle.