UNIVERSITÉ LUMIÈRE–LYON 2
institut de psychologie
Pensée et généalogie dans les institutions : entre refus et consentement
Thèse Nouveau Régime
en vue de l’obtention du Doctorat
en Psychologie
mention : Psychopathologie et Psychologie clinique
sous la Direction de
Monsieur le Professeur Paul FUSTIER
Le 13 décembre 2002
Membres du Jury :
Messieurs :
Bernard DUEZ, Professeur à l’Université Lumière Lyon 2
Paul FUSTIER, Professeur émérite à l’Université Lumière Lyon 2
Benjamin JACOBI
, Professeur à l’Université de Provence Aix-Marseille I
René KAËS, Professeur émérite à l’Université Lumière Lyon 2
André SIROTA, Professeur à l’Université Paris X

À Nathalia,
à Oriane et Judith,
avec toute mon affection

REMERCIEMENTS

Au fil du texte, il va être question de filiation et de génération : aussi, en ouverture de ce travail d’écriture, je souhaite saluer et remercier quelques-uns des «reconnaisseurs privilégiés1«, qui par leur don de confiance ont soutenu l’édification de la pensée, et le processus d’élaboration :

Mes remerciements à Paul Fustier qui, selon une méthodologie éprouvée dite de «maternance écossaise», a su accompagner le thésard cheminement jusqu’en son terme. Outre ses nombreux éclairages, le témoignage de son expérience auprès des groupes et des institutions m’a été une aide précieuse, au décours de ces pratiques.

Mes remerciements à Alain-Noël Henri. Sa créativité l’ayant conduit à réinventer jusque dans le concret d’un dispositif le terme de «perlaboration», c’est à partir de ce creuset qu’il m’a été possible de transformer mes inscriptions professionnelles initiales, en interrogations fécondes. Sa position à l’égard du savoir, et son humour, m’ont été des plus utiles.

J’adresse aussi mes plus vifs remerciements à ces pérégrins, compagnons d’écriture, compagnons de travail : Catherine Henri-Ménassé, Denis Chatelain et Madeleine Farhat qui ont partagé la lente maturation de ce cheminement, en ses errements, ses doutes, ses fulgurances parfois.

La pensée est habit d’arlequin2 et bien malin celui qui une fois le costume ajusté saura nommer l’ensemble de ses emprunts. Elle se nourrit au gré des rencontres, se renforce, s’hybride, se colore, se bricole, ...

Parmi les pigments de bases, il me faut toutefois mentionner ce que cette élaboration doit au travail de pionnier de René Kaës. L’abondance des références de ses travaux au fil du texte témoignera de ce que ces réflexions sur les institutions et les identifications professionnelles doivent au décryptage des ensembles inter et trans-subjectifs qu’il a initié.

Mes remerciements aussi à l’adresse

Ce travail doit également une part de son assise au «sillage» qui s’est tracé du côté du divan. La fréquentation des contrées de l’inconscient en compagnie d’un autre, génère stabilité et apaisement, et potentialise en cela le travail de subjectivation. L’écriture porte trace de cet obscur et patient travail d’historisation, de cette inscription dans la génération ; de cette réconciliation avec le flux de la vie, au travers de la confrontation à sa propre folie et à sa propre finitude.

« Caminante, son tus huellas
el camino, y nada mas ;
caminante, no hay camino,
se hace el camino al andar.
Al andar se hace camino,
y al volver la vista atras
se ve la senda que nunca
se ha de volver a pisar.
Caminante no hay camino
sino estelas en la mar.»
(Antonio Machado3).

RESUME

À partir d’interventions cliniques auprès de groupes professionnels et d’institutions de soin et de travail social, l’auteur considère : les mouvements de déliaison et/ou de confusion mortifères qui se déploient en ces lieux, et le travail psychique requis pour mener à bien la tâche primaire.

Ces groupes doivent sans cesse s’extraire de/renoncer à la jouissance du trauma et à la jouissance du meurtre, ces deux fascinations qui engluent dans l’archaïque et détruisent la temporalité.

Les positions professionnelles mettent aux prises avec des situations relevant de l’archaïque et du traumatique, sources d’excitations transgressives et de jouissances mortifères. Ces aspects sont recherchés à des fins identificatoires et simultanément maintenus en position de méconnaissance. Afin de déconfusionner les professionnels d’avec leurs «objets», de restaurer de la professionnalité et de permettre l’investissement des «usagers», une mise en pensée des éprouvés et des fantasmes est requise.

Le travail de subjectivation requiert «du père», de la génération et de l’histoire. Il est corrélé aux modalités des arrimages symboliques existant entre les professionnels, le pôle hiérarchique (en tant que méta-organisateur oedipien) et la généalogie institutionnelle.

Les mouvements pathogènes prennent la forme du refus, au travers d’une captation du pouvoir et d’une mise sous emprise de la généalogie institutionnelle. Celle-ci devient le lieu d’agirs meurtriers de la professionnalité. Le refus des descendants précipite la figure du «filicide», celui des ascendants le figure du «parricide», générant des dynamiques incestueuses et confusionnantes.

Le dépassement du meurtre suppose un consentement de l’ensemble des professionnels à ce que «ça échappe» (du côté du pouvoir et du côté de la temporalité). Il potentialise le travail d’élaboration des incidences psychiques du lien aux «usagers» et du lien à l’histoire, à mêmes de soutenir les professionnels dans leur investissement de la tâche primaire.

Mots clefs : Archaïque, Emprise, Filicide, Généalogie, Historisation, Identifications professionnelles, Institution, Jouissance, Parricide, Pensée, Père, Pouvoir, Professionnalité, Transgression, Transmission, Traumatisme.

ABSTRACT

THINKING AND GENEALOGY IN INSTITUTIONS : BETWEEN REFUSAL AND CONSENT

From clinical interventions with professional groups and with institutions of care and social work, the author considers the movement of defusion and/or of death holder confusion which spread in these places and the psychic work required to achieve the primary task.

These groups should ceaselessly give up the «jouissance» of the trauma and the «jouissance» of the murder, these two fascinations stop the thought and destroy the temporality.

Professional positions bring confrontation with situations raising from the archaic and from the traumatic, sources of transgressive excitements and of death holding «jouissance». These aspects are sought after for identification purposes and simultaneously maintained in an unconscious level. In order to pull out professionals from the confusion with their «object», to bring back some professionalism and to allow the « users » investment, emotions and fantasies have to be brought to consciousness.

Subjectivation work links professionals symbolic modalities to hierarchy (as oedipian meta-organizer) and to institutional genealogy. This work needs »some father», some generation and some history.

Pathogenic impulses materialise as refusal through taking over power and putting under control institutional genealogy, thus, becoming places where deadly acting out occur destroying professionality. Descendant denial brings to «filicide» pattern while ascendant brings to «parricide» pattern, creating incestuous confusing dynamics.

Murder overcoming implies an assent of all the professionals to «give up» power and temporality. It emphasises elaboration work of the psychic incidences of the link to the «users» and to history helping the professionals in their investment in the primary task.

Key words : archaic, ascendancy, filicide, genealogy, history telling, professional identifications, institution, jouissance, parricide, thinking, father, power, professionality, transgression, traumatism.

«‘Cela se donne - et se refuse dès qu’on prend’.» (Roger Munier 19924).

«Tandis qu’Éros invente des processus de liaison, des organisations de désir, des voies d’alliances possibles entre les exigences pulsionnelles du ça et les exigences narcissiques du Moi, Thanatos exige de l’individu et de l’ensemble humain que la Kulturarbeit, oeuvre conjointe du singulier et de l’ensemble, invente une alternative à l’attraction du meurtre et à l’attraction de l’autodestruction mais qui puisse contenter Thanatos.» (Nathalie Zaltzman 19985).

Notes
1.

L’expression est de Jeannine Pujet (1996 a) En quête d’une ineffable reconnaissancenotion reconnaissance notion reconnaissance notion reconnaissance - in Topique, Revue Freudienne N°61, Paris, Dunod, p. 467-480.

2.

Comme se plait à le souligner Michel Serres (1991), Le Tiers instruit - Paris, François Bourin, 249p.

3.

«Marcheur, ce sont tes traces / Ce chemin, et rien de plus / Marcheur, il n’y a pas de chemin, / Le chemin se construit en cheminant / En cheminant se construit le chemin / Et en regardant en arrière / On voit la sente que jamais / On ne foulera à nouveau. / Marcheur, il n’y a pas de chemin / Seulement des sillages sur la mer.» (Antonio Machado [1912], Chant XXIX, Campos de Castilla ; Proverbios y cantarès - Traduction de Josè Parets-Llorca).

4.

Roger Munier (1992), Proverbes - St Pierre-la-Vielle, Édition Atelier La Feugraie, p. 33.

5.

Nathalie Zaltzman (1998), De la guérison psychanalytique - Paris, Puf, p. 33.