A.2.2.1.2 La taille de «l’objet» et l’investissement des singularités

Dans le même temps, les dimensions de l’institution et les multiples possibilités de son abord précipitent une tentation de simplification. Celle-ci procède alors d’un évitement de la complexité, celle qui ne cesse de se découvrir au «feu» de la clinique. Une des fausses issues consiste alors à rabattre les multiples dimensions constitutives les unes sur les autres : réduire par exemple l’explication d’une crise institutionnelle à la pathologie d’un acteur, ou tout au contraire lire les évènements afférents à une situation institutionnelle à la lumière des seuls déterminismes groupaux, ou historiques, ... La question est donc celle de la (toujours fragile) préservation de la complexité36.

Nous nous plaçons, pour notre part, résolument dans la perspective ouverte par les travaux de R. Kaës et P. Fustier, et prenons le parti de considérer l’institution dans son aspect d «objet» psychique, en tentant d’éclairer sans les réduire les multiples dimensions à partir de leurs articulations. Cette approche est sous-tendue par le primat de l’intersubjectivité et de la trans-subjectivité. Si G. Mendel (1992, 199737) semble redouter que la dimension du politique soit annulée dans de telles approches référées à la métapsychologie psychanalytique, nous pensons au contraire que la dimension du politique ne saurait y être que centrale, à l’identique avec ce qu’il en est de la centralité de la configuration oedipienne dans la construction de la psyché ; ces deux aspects se trouvant intriqués dans la constitution même de la psyché (individuelle, groupale institutionnelle, et sociétale) - position qui rejoint celle soutenue par E. Enriquez :

‘«L’institution constitue une forme (eidos) politique et psychique (puisqu’elle inscrit le projet politique au coeur même de l’inconscient des sujets).» (E. Enriquez 199238).’

Un des obstacles à penser la «clinique institutionnelle» réside en ceci qu’il y faut inhiber les mouvements de généralisations par trop précoces39, et examiner ce qui spécifie toute configuration institutionnelle, toute crise, dans leurs singularités, afin d’être à même de se positionner face à l’insaisissable de cet «objet». Dans le décours de la recherche il y a lieu de consentir à la nécessité impérieuse de faire tenir ensemble des éléments antagonistes et complémentaires («dialogiques», au sens d’E. Morin40).

Notes
36.

Dans son approche E. Enriquez (1992) propose sept niveaux (ou instances) d’analyse des organisations. Un tel découpage nous semble être un des biais méthodologique permettant une telle préservation de la complexité : l’instance mythique, l’instance sociale-historique, l’instance institutionnelle, l’instance organisationnelle (stricto sensu), l’instance groupale, l’instance individuelle, et l’instance pulsionnelle. Eugène Enriquez (1992), L’Organisation en analyse - Paris, Puf, 331p.

37.

Gérard Mendel souligne qu’à ne considérer l’institution que dans sa dimension d’objet psychique on court le risque de faire l’impasse sur la dimension politiquenotion politique notion politique notion politique. Gérard Mendel (1992), La société n’est pas une famille - Paris, La Découverte, 306p. & (1997), L’institution au double péril de l’organisation et de l’inconscient ; perspectives socio-psychanalytiques 1971-1997 - in Revue internationale de psychosociologie Vol.III, n°6/7 Psychanalyse et organisation - Paris, Éditions Eska, p. 117-128.

38.

Eugène Enriquez (1992), op. cit., p. 86.

39.

Ainsi lors de l’élaborationnotion élaboration notion élaboration notion élaboration du projet de recherche, nous avions titré : «Les trois temps de l’institution» avec l’idée qu’une progression diachronique pourrait rendre compte des situations rencontrées. Ces hypothèses auront au moins eu le mérite de servir de liant momentané, autorisant à s’aventurer plus avant dans la complexité institutionnelle et la déliaison mortifèrenotion déliaisonmortifère notion déliaisonmortifère notion déliaisonmortifère avec laquelle l’institution est aux prises.

40.

Edgar Morin (1990), Introduction à la pensée complexe - Paris, Esf Édit., 158p.