A.2.5 Les lieux et les temps où le tricotage pulsionnel se laisse entrevoir

Le dispositif de la cure constitue un temps «en dehors», un espace au sein duquel les processus d’appropriation subjective et d’historisation peuvent se déployer, hors de toute visée opératoire. C’est dans ce suspens de l’opératoire que l’inconscient peut se révéler, c’est là que les errements du désir trouvent à se dire et à faire trace. De façon analogue les dispositifs groupaux qui n’ont pas de fonction de production immédiate (tels ceux de «l’analyse de pratique» et de «l’analyse institutionnelle») permettent d’entendre quelque chose de «l’inconscient groupal institutionnel».

La visée du travail dit «d’analyse de pratique», résumée le plus succinctement consiste à «restaurer de la professionnalité » à partir d’un travail sur les écarts et les différences et d’un passage par une mise en représentation (mise en pensée et mise en sens) des éléments confusionnants inhérents aux pratiques du soin et du travail social⁴⁸.

Spécifions également de façon sommaire ce que nous entendons sous le terme «d’analyse institutionnelle ⁴⁹  ». Il s’agit de l’acception utilisée couramment dans le domaine du travail social qui, même si elle en porte la trace, se différencie de ce que fut au cours des années soixante-dix le courant dénommé «l’Analyse institutionnelle». Ce courant porté par des praticiens comme R. Lourau, F. Oury, F. Tosquelles, (...), était corrélé à l’émergence de l’anti-psychiatrie, et visait une «désaliénation institutionnelle». «L’analyse institutionnelle» avait alors en vue une transformation politique, au travers d’une transformation des rapports sociaux, à l’intérieur des institutions de soin.

Le travail qu’actuellement nous nommons tel prend la forme d’interventions de «cliniques institutionnelles». Ces interventions ont lieu la plupart du temps, durant des périodes de crise où l’on se trouve en présence d’un délitement des arrimages symboliques, d’une inflation de l’imaginaire, et de passages à l’actes transgressifs et violents. Le travail s’apparente là aussi à une progressive restauration des différences et des écarts : différences hiérarchiques, différences dans les affiliations (liens à l’histoire), différence entre fantasme et réalité, réintroduction des interdits, de la temporalité, et d’une capacité auto-réflexive.

Le lien, en ses nouages inter et trans-subjectifs, ne se donne à voir et à entendre que dans des temps caractérisés : ceux de sa constitution (de la mise en lien), et ceux de la déliaison. C’est dans ces moments privilégiés que les organisations inconscientes se révèlent. Nous allons nous intéresser à ces temps de rupture, temps de crise, temps de passages.