B.1.1.1 Le statut des «objets professionnels»

Le lien que le sujet développe à l’égard des objets professionnels présente des fortes similitudes avec le lien qu’il développe à l’égard de ses objets amoureux. Ces deux champs constituent dans la réalité externe un support pour la dynamique psychique du «Je», au travers duquel celui-ci agit les relations qui le configurent, et le constituent relativement à ses objets internes. Nombre de dynamiques psychiques sont ainsi «exportées», à charge pour le partenaire (dans la relation amoureuse), les enfants (dans la dimension parentale) ou les collègues et les «usagers» (pour la relation professionnelle) de permettre au «Je» de pérenniser ces modalités de liaisons constitutives. Ces aspects sont habituellement maintenus comme étrangers au «Je» et déposés dans le lien. Ce faisant, le «Je» peut ainsi continuer de les méconnaître (dans un «pacte dénégatif» intersubjectif et transubjectif). Dans la mesure où des parts de la psyché se révèlent lors de la modification des liens (mise en lien individuelles ou groupales, séparations, crises), les transformations relationnelles représentent autant d’occasions où le «Je» peut a contrario reconnaître et se réapproprier des pans entiers de sa psyché.

Nous proposons l’idée que les «objets professionnels», comme les «objets amoureux» conjoignent pour le «Je», un double statut : statut psychique interne et statut d’indubitable extériorité . Les relations à ces «objets» permettent dès lors une externalisation de la scène psychique, et potentialisent l’émergence d’aspects insus du «Je» lui-même (de composantes inconscientes de la psyché) . Les liens qu’il va dès lors entretenir avec ces «objets» sur la scène de la réalité sont ainsi configurés dans un statut paradoxal : s’approprier - méconnaître .

La réalité de l’objet et les réponses qu’il agit représentent une nouvelle chance pour le sujet, de «réparer» et/ou de reconnaître (de se reconnaître dans) les liens souffrants qui le configurent relativement à ses objets internes. Les réponses de l’objet externe se trouvent, pour partie, toujours ailleurs qu’aux places imaginaires où le «Je» les suppose et les attend. Si le couplage amoureux et les positions parentales permettent des occultations de ces écarts grâce à l’étroitesse des corrélations de subjectivité entre les partenaires, les objets professionnels, de par la pluralités des liens qu’ils entraînent, favorisent la confrontation de ces écarts. Les relations professionnelles sont ainsi soumises à de multiples et incessantes tribulations : de nouveaux professionnels s’agrègent ou se séparent des groupes institutionnels, les «usagers» eux-mêmes ne cessent de se renouveler. Or toute modification des liens potentialise un travail de reprise psychique pour chacun des partenaires du lien.