B.1.1.3.2 L’axe «méconnaissance – jouissance»

La position professionnelle permet également aux sujets de continuer à méconnaître les points de clôtures narcissiques sources de leurs propres souffrances, tout en la contemplant chez l’autre, s’assurant ce faisant que «soi-même on ne s’y trouve pas». Il est donc question de la jouissance (narcissique, phallique, mortifère 72 ) qui résulte de l’actualisation incessante sur la scène de l’inconscient du fantasme qui soutient la position subjective du professionnel. On se trouve aux prises avec l’axe «méconnaissance – jouissance» toujours présent (pour partie) au sein des configurations professionnelles.

Les lieux du soin et du travail social sont des lieux où le drame et le traumatisme sont omniprésents ; s’y rencontrent a minima des mises en actes dramatiques. Il faut donc souligner que «l’objet» attaque les liens, qu’il se caractérise d’agir de la déliaison.

Au travers de la rencontre permanente avec des éprouvés «extrêmes», les sujets sont aussi en mesure de «soutenir» leurs propres équilibres psychiques dans un «lien d’excitation »« que suscite en permanence la rencontre avec l’objet, et ses agirs - ce «lien d’excitation» se joue dans le registre de l’excès, qu’il s’agisse de celui de l’empiètement, d’une sur-présence, ou dans celui de l’absence et de l’abandon. La fonction d’étayage témoigne de cette mise en oeuvre de l’axe «méconnaissance – jouissance», où les éprouvés (s’expérimentant la plupart du temps selon une modalité traumatique) servent alors de «peau», de «défense », contre des angoisses plus catastrophiques, sous l’égide du «surmoi73 ».

Tout semble se passer comme si la position professionnelle permettait au «Je» de cheminer sur une ligne de crête en des contrées de vertiges potentiels, de se convoquer en un no man’s land, en une zone de franchissement entre différents ordres de réalités entre réalité concrète et réalité psychique, entre sujet, groupe et institution, entre professionnel et «population» accueillie, .... Un des enjeux pour les professionnels consiste donc à pouvoir appréhender et (re)psychiser un certain nombre de zones d’ombres, des territoires du «ça», demeurés en attente de représentations, de symbolisations, de liaisons, de paroles et d’agirs différenciateurs. On peut ainsi dire que tout choix d’objet professionnel, tout «métier» met le «Je» aux prises avec des angoisses particulières 74 avec lesquelles celui-ci choisit de composer.

Notes
72.

Nous empruntons cet énoncé spécifiant la notion de «jouissance» comme narcissique, phallique, mortifère, à Paul Laurent Assoun (1994 a). Nous aurons à revenir sur ce concept, dans un temps ultérieur.

73.

«Comme si le traumanotion trauma notion trauma notion trauma notion trauma notion trauma notion trauma notion trauma notion trauma était désiré par crainte de quelque chose de plus grave : c’est la formule même de la défensenotion défense notion défense notion défense notion défense notion défense notion défense notion défense notion défense .» Laval G. (1992), Emprise et trauma -- in Revue Française de Psychanalyse Tome LVI, De l’emprise à la perversionnotion perversion notion perversion notion perversion notion perversion notion perversion notion perversion notion perversion notion perversion , p. 1466.

74.

Eugène Enriquez ira jusqu’à spécifier les angoisses rencontrées dans le cadrenotion cadre notion cadre notion cadre notion cadre notion cadre notion cadre notion cadre notion cadre des institutions : «Quelques aperçus sont indispensables pour évoquer ce contre quoi toute organisation sociale tente de se construire. Six types d’angoisses fondamentales paraissent devoir être relevées : peur de l’informe, des pulsions, de l’inconnu, des autres, de la parole libre, de la pensée.» (Eugène Enriquez (1997), Les jeux du pouvoir et du désir dans l’entreprise - Paris, Desclée de Brouwer, p. 22.)