B.1.1.4.1 L’adresse du symptôme des professionnels

Une telle affirmation ouvre immédiatement une autre question : À qui est adressé le symptôme des professionnels ? Le symptôme se trouve habituellement masqué en tant que tel, puisque se situant à l’envers de la stigmatisation sociale des symptômes de la «population» qui va faire l’objet d’une prise en charge sociale («toxicomane», «anti-social», «schizophrène» ...).

Ce qu’un symptôme est chargé de faire c’est de :

‘«Cadrer la fuite identitaire tout en donnant satisfaction au fantasme où se fonde cette identité. Et cette fonction de compromis fait du symptôme la réponse la plus simple et la plus coûteuse au trauma où la vie s’est redonnée dans une sorte d’impasse ... Et quand le compromis vacille, la violence est toute proche.» (D. Sibony 199879).’

Dans les métiers «centrés sur l’aide à autrui» la répétition est ainsi cherchée chez l’autre. On se trouve en présence d’une composante pulsionnelle qui est laissée en dépôt chez l’autre, qui est attribuée à «l’objet» professionnel dans un mouvement d’externalisation de la pulsion. De ce fait se trouvent exclus de la représentation (dans les cas les plus pathologiques : forclos), la source pulsionnelle et le «conflit identificatoire» (P. Aulagnier) qui animent la position professionnelle. Aussi ils ne peuvent manquer de faire retour sur un mode violent voire traumatique. Les populations concernées par les institutions du travail social, ne manquent pas de pointer trivialement cette position d’étayage – Ainsi ces adolescents qui ne se privent pas de dire aux éducateurs «‘C’est nous qui vous permettons d’avoir du travail’». Et de dire : «‘Si c’est nous qui vous donnons le travail, c’est donc nous votre employeur. Vous devez vous occuper de nous/de moi. Vous devez me trouver (un emploi, un logement ...). L’identification professionnelle que vous revendiquez à notre endroit, c’est de nous que vous la tenez !’». Le renversement des positions alors occupées par ces adolescents loin d’être infondé, exprime les dynamiques d’emprises80 mutuelles. Il réalise le renversement de l’emprise exercée par le personnel éducatif sur leurs objets internes, et sur les sujets au travers desquels ils jouent ces mêmes relations. De fait les visées narcissiques se trouvent dévoilées à l’endroit même où le professionnel revendiquait une part d’altruisme.

Notes
79.

Daniel Sibony (1998), Violence - Seuil, Paris, p. 16.

80.

Dans l’emprise il s’agit d’asservir l’autre à son projet.