B.1.2.1.1 La position de l’analyste et le contre-transfert – J.B. Pontalis

Jean Bertrand Pontalis dans son article de 1975, «À partir du contre-transfert : le mort et le vif enlacés», va spécifier le terme de contre-transfert, lui adjoignant un préfixe, et un qualificatif. Il nommera «pré-contre transfert», et «contre-transfert originaire », cette part qui dans la position de l’analyste préexiste à la relation transférentielle. Il désigne ainsi la part de la psyché de l’analyste qui préexiste, et précède la demande des analysants, identique en cela aux différentes institutions du soin et du social qui dans leurs offres de soin et/ou d’accompagnement et de soutien précèdent la demande des «usagers» auxquels elles s’adressent. J.B. Pontalis, indique que ce «coeur de l’entreprise analytique» est constitué par cette part de l’analyste qui motive et nourrit la pratique de l’analyste. L’on se trouve donc sous le registre de ce qui échappe au «Je» et qui échappe à toute représentation, et qui fait toutefois partiellement l’objet d’une attention clinique.

‘«Un «contre-transfert originaire», ou pré-contre-transfert, qui motive et nourrit notre pratique d’analyste. Il a ses sources pulsionnelles et narcissiques bien au-delà de l’identification à notre analyste. (...) Ce contre-transfert est au coeur de l’entreprise analytique.» (J.B. Pontalis, 197584).’

J.B. Pontalis reviendra sur cet aspect en 1981, dans l’article : «Non, deux fois non 85«. Ce texte porte le sous-titre de «Tentative de définition et de démantèlement de la «réaction thérapeutique négative», et vise à sortir la clinique analytique de cette facilité dans laquelle elle avait eu historiquement tendance à s’engouffrer, en prêtant aux patients une «réaction thérapeutique négative», en lieu et place d’interroger ce qui est en jeu dans les impasses de la cure, du côté de la résistance de l’analyste, de ses points aveugles, soit donc de sa participation à l’occultation et à la pérennisation des enfermements des analysants dans leurs troubles.

‘«Considéré à ce niveau le contre-transfert, qui fait que nous sommes analystes et ne pouvons nous passer de l’être, est le mobile premier de la fonction analytique : c’est un pré-contre-transfert. Mais qu’en dire qui ne soit rationalisation, quand nous lui sommes en réalité, soumis ? Les gloses savantes (...) sur le désir de l’analyste nous détournent illusoirement d’avoir à reconnaître, tout bêtement, notre besoin de faire de l’analyse. Quoi donc, ailleurs nous fait défaut ?» (J.B. Pontalis, 197586).’

À ces propos font échos ceux de Nathalie Zaltzman.

‘«Mais...enfin par quelle diablerie inconsciente, par quel pessimisme fondamental peut-on en arriver à consacrer la majeure partie de ses préoccupations et de sa sensibilité à tout ce que la réalité psychique est capable de s’inventer dans le registre de l’angoisse, de la détresse et de la souffrance. Il y faut bien quelque appétence mélancolique.» (N. Zaltzman 199887).’

Cette désignation de «réaction thérapeutique négative» (qui a eu ses effets de mode passagers) permet «d’entendre» comment une institution (ici l’institution analytique) peut valider via une théorisation l’occultation de pans entiers du pensable. Les concepts viennent alors obscurcir ce que cette théorie s’était donnée pour tâche d’éclairer, en un véritable paradoxe épistémique - paradoxe somme toute «classique».

‘«Il y a des patients dont nous dépendons pour être vivants, c’est-à-dire pas seulement pour assurer notre homéostase, mais pour qu’en nous aussi ça, bouge. Et chacun est plus prompt à identifier la dépendance d’autrui qu’à reconnaître la sienne.» (J.B. Pontalis 197588).’

Notes
84.

Jean Bertrand Pontalis (1975), À partir du contre-transfertnotion transfert notion transfert notion transfert : le mort et le vif enlacés - in Nouvelle Revue Française 1975 n° 12, p. 85.

85.

Jean Bertrand Pontalis (1981), Non, deux fois non - in Nouvelle Revue de Psychanalyse «L’emprise», n°24, p. 53-73.

86.

J.B. Pontalis (1975), op. cit., p. 74.

87.

Nathalie Zaltzman (1998), Problématique mélancolique et vocation analytique - in De la guérison psychanalytique, Paris, Puf, p. 182.

88.

J.B. Pontalis (1975), op. cit., p. 81.