B.1.2.2.8 La délimitation de l’objet professionnel - Pierre Dosda

Ancrée largement sur les propositions d’A. Missenard, l’approche de Pierre Dosda postule un mouvement de mise en place d’une «délimitation de la part professionnelle de la personnalité», et une «délimitation de l’objet professionnel ». (P. Dosda 1998108). Nous relevons la pertinence de ce cadrage, de l’utilisation de «l’objet» dans un certain nombre de situations, celles où le «Je» tente d’utiliser «l’objet professionnel» à cette fin. Dans sa posture de professionnel, il peut alors (s’efforcer de) limiter «ce qui est pris de l’autre comme «objet professionnel.» Notons que le risque encouru est alors celui de la disparition de l’altérité de «l’objet» ; l’autre ne saurait être que toujours ailleurs que là où il est imaginarisé. Au moment où le «Je» a accompli la réalisation du scénario fantasmatique qu’il jouait avec l’autre, le désir chute et la relation se rompt. Nous allons en voir une illustration au cours de la narration d’une situation portant le titre : «La défense externe contre un danger interne 109  ».

‘«Il est particulièrement intéressant de voir comment dans la formation et les premières expériences professionnelles se met en place cette délimitation de la part professionnelle de la personnalité et en particulier la délimitation de l’objet professionnel. L’idée permanente, c’est que la professionnalité va se caractériser par l’acceptation des limites, limites de l’action, «le champ d’intervention», et limite de ce qui est pris de l’autre comme «objet professionnel». (P. Dosda 1998110). ’

Cette approche de P. Dosda postule également une part d’indépendance du «Je» des plus considérables, à l’égard de son objet, allant jusqu’à poser l’interrogation de savoir si la «‘construction d’une part professionnelle de la personnalité’» ne serait pas réactionnelle à la rencontre avec «l’objet», se constituant alors comme «un mécanisme de défense du moi». Il parlera en conséquence de «défenses spécifiques» : «‘Les défenses professionnelles (...) peuvent être communes aux défenses du Moi, mais aussi spécifiques ou utilisées de manière spécifique’ 111 .»

Une telle généralisation nous paraît faire l’impasse sur le choix par le sujet des institutions et des rencontres qu’elles préfigurent, et auxquelles d’une manière ou d’une autre, il se convoque. Pour donner consistance au propos, faisons référence à une configuration institutionnelle spécifique : une institution qui accueille des femmes victimes de violence112. Tout professionnel qui postule dans une telle institution sait «d’un savoir qui ne sait pas 113  » qu’il ne saurait en ce lieu être préservé de la rencontre avec une clinique de la honte et celle du masochisme. Quelle que soit l’institution du soin ou du travail social où le professionnel prend place, il va se trouver aux prises avec une scène où vont se déployer des émergences de l’archaïque, et se confronter à l’omniprésence des processus primaires.

À vouloir trop particulariser une «identité professionnelle» (L. Ridel), ou une «‘part professionnelle de la personnalité’» (A. Missenard, P. Dosda), en la différenciant d’une identité personnelle, le risque encouru est celui d’entériner un clivage qui ne saurait se justifier, hors des configurations professionnelles singulières114. Le travail qui échoit aux institutions où exercent ces professions est celui de faire barrage à la déliaison. Il importe alors de considérer les clivages que l’on peut constater à partir des avatars de ce travail de re-liaison, - processus qui ne saurait que faillir.

Notes
108.

Pierre Dosda (1998), (1998), Analyse clinique de la part professionnelle de la personnalité et des défenses professionnelles - in Analyser les pratiques professionnelles - ouvrage coordonné par C. Blanchard-Laville et D. Fablet -L’Harmattan, Paris, p. 282-283.

109.

Cf. chapitre ci-dessous : B.2, p 58-73.

110.

Pierre Dosda (1998), op. cit., p. 278.

111.

«Je me demande si l’on ne pourrait pas considérer la construction d’une part professionnelle de la personnalité comme un mécanisme de défensenotion défense notion défense notion défense notion défense notion défense notion défense notion défense notion défense du moi rendu nécessaire dans les professions où le moi est souvent menacé.» (P. Dosda 1998, op. cit., p. 282).

112.

Cette institution nous servira de support pour dégager différents mouvements psychiques ayant cours au sein des institutions. Elle est ainsi reprise dans une illustration nommée «Les trois sidérations» dans cette 1° partie et réapparaîtra dans la 2° partie sous le titre «Une demande d’intervention double, le centre d’accueil «Les Collines».

113.

Selon l’expression de J. Lacan rendue célèbre par Maud Mannoni (1985), Un savoir qui ne se sait pas, Paris, Denoël, 205p.

114.

Nous aurons l’occasion d’évoquer une institution configurée au niveau du groupe des éducateurs selon cette modalité du clivagenotion clivage notion clivage notion clivage notion clivage notion clivage notion clivage notion clivage notion clivage , cf. le chap. B.7.3.