B.2.1.2.3 Le devenir des débordements

Soulignons qu’il existe une corrélation dynamique entre un tel débordement, la reprise d’études et le changement de place professionnelle. Si l’histoire de Laure témoigne d’un tel parcours, celui-ci, loin d’être fortuit se retrouve dans maintes situations où des professionnels du soin ou du travail social se trouvent ainsi débordés, et effractés par des rencontres (survenant dans le cadre de leur travail après plusieurs années d’exercices professionnels), situations par rapport auxquelles ils arrivaient jusque-là à «faire face». Nous aurons à revenir sur ce que nous désignons comme un «débordement second », une «effraction traumatisme seconde». Nous devons en effet mettre ces situations en lien avec ce que nous avons dessiné des rencontres traumatiques initiales et instituantes du lien professionnel (au moment de la construction des identifications professionnelles «premières», et des rencontres entre un postulant à une profession (du soin et du travail social) et le[s] groupe[s] d’accueil[s]). Le trajet qui découle de ce débordement second permet d’inférer le lien entre la position du «Je» face à l’excitation particulière que lui procure une position professionnelle, les fonctions que ce même «Je» requiert de la part du groupe, et les «bénéfices» qui en résultent pour son économie psychique.

Si le «Je» recherche et revendique au travers d’une place professionnelle la possibilité de se retrouver au contact de situations pour lui excitantes, l’excitation qu’il trouve, et dans laquelle il se maintient, lui permet de limiter cette expérience, de la circonscrire, de façon qu’elle n’envahisse pas la totalité des espaces de sa vie (ou tout au moins lui confère cette illusoire assurance). Ce faisant, elle lui permet de se prouver qu’il n’en est pas détruit ; que donc il est en mesure de la contrôler, de la maîtriser, voire de la transformer. Il perpétue toutefois dans ce lien excitant un collage incestuel (P.C. Racamier 1995117). Nous développerons ultérieurement ces liaisons entre le professionnel et son groupe d’appartenance, et cette demande qu’il adresse à un groupe : lui permettre de pérenniser l’illusion qu’il est (avec l’aide du groupe) capable de transformer, ce qui en un autre temps a failli le détruire. Si le «Je» a tout de même réussi à survivre (ici, à la ««folie» de la mère) c’est précisément en s’y arrimant dans un retournement psychothérapeutique118. En écho à ce que nous disions de la position professionnelle, on se trouve bien ici dans le double mouvement de représenter – symboliser - s’approprier / jouir - méconnaître.

Nous aurons donc à redessiner ce parcours qui mène un professionnel établi dans une position professionnelle depuis plusieurs années, à reprendre des études, suite à la rencontre de situations «effractives» (de débordements seconds) face auxquelles le groupe se révèle impuissant à jouer de sa protection. Le champ du savoir est alors investi en opposition au «savoir faire» et spécifiquement «au savoir faire face» que le sujet avait investi comme ce que lui permettait une position professionnelle et l’équipe des professionnels qui l’avait inclus comme membre.

Notes
117.

Paul Claude Racamier (1995), L’incestenotion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste et l’incestuel - Paris, Les éditions du Collège.

118.

Une telle position fait écho à la «tendance essentiellement psychothérapeutique» que H. Searles (1981) décèle chez tout sujet, relativement à l’objet maternel.