B.2.1.3.1.1 Trois enfants jouaient dans une grange

Il relatera comment à l’occasion de visites à sa famille Laure a permis la révélation de secrets et de non-dits familiaux. Il apprendra ainsi (tout récemment) certaines dynamiques fondatrices de l’histoire de ce père. Il découvrira que son grand père paternel était décédé alors que ses trois enfants étaient encore petits. Il s’agissait de deux filles aînées et du père d’Adrien alors âgé de trois ans. La grand-mère paternelle se remettra en ménage avec un homme «alcoolique et violent». Or, un jour où les trois enfants jouaient dans une grange, ils verront leur mère arriver hors d’haleine, les exhortant à se sauver, hurlant que leur beau-père ivre, arrive, et dans un accès de folie meurtrière veut les tuer. Les trois enfants se réfugieront au village voisin chez leurs tantes, et dès lors ne retourneront plus vivre auprès de leur mère – la fratrie sera elle-même séparée entre les deux tantes.

Cette narration servira à Adrien de fil rouge. Elle lui permettra de commencer à dessiner des configurations relationnelles et des conglomérats d’affects reliant l’histoire de ce père à sa propre enfance. Les images de violences se mettront ainsi à circuler : des visages d’adultes éructant, à celui des enfants terrifiés de cette cour de ferme, là où la violence meurtrière a abandonné ce père à l’emprise de la terreur. Dans ses vécus d’enfants, Adrien va donc retrouver cette violence grimaçante sur le visage de son père, et à son tour rencontrer peur et colère comme seuls éprouvés mémorisables. On peut aussi supposer que les visages des adolescents accueillis dans le cadre de l’unité de psychiatrie se mettaient eux aussi à refléter (parfois) ces mêmes affects, entre terreur et rage mortifère.