B.2.1.3.2 «Faire en sorte que le monstre ne se mette pas en route !»

Adrien témoignera comment dans sa propre enfance, il surveillait constamment «l’humeur» de ce père, de manière à tenter de déjouer les colères clastiques qui s’emparaient de celui-ci à la moindre occasion, terrorisant femme et enfants. Adrien tentait ainsi de dériver l’attention de ce père, et selon ses propres dires : veillait à «‘faire en sorte que le monstre ne se mette pas en route !’».

Il a selon ses dires, passé son enfance et son adolescence à protéger son frère (aîné) et sa mère de la colère et des violences physiques du père. «‘J’ai passé tout mon temps à surveiller, à ce que tout se passe bien, que personne ne se fasse engueuler ou frapper’.»

À l’identique avec ce qu’il en est pour Laure, considérer le choix professionnel à la lumière de ces quelques propos, convoque une nouvelle fois la figure du renversement. À l’imprévisible des «crises», du «réveil du monstre », la profession vient opposer la certitude de rencontrer des crises de violences identiques ; mais cette fois le «Je» est en position d’être «formé», et «habilité» par le corps social à y faire face et à les endiguer. Les analogies sont ici dans l’ordre de l’évidence : de ces lieux de crises, de ces adolescents (et adolescentes) placés dans l’urgence, de la violence des séparations dont ces institutions sont le théâtre, et des agirs de haine qui viennent s’y représenter.