B.3.3.2 Le soin et l’initiation

Pour dégager au mieux les dynamiques présentes dans le parcours du postulant, nous allons nous intéresser en premier lieu à ce qu’il en est de la mise en place de positions professionnelles dans le monde du soin somatique. Les mouvements y apparaissent à la limite de la caricature. Les rencontres qui se déroulent dans le cadre de l’Hôpital général sont proposées ici comme archétypiques de ce qui se joue dans l’ensemble des autres secteurs du soin, du travail social, et dans une mesure assez proche, dans celui de l’enseignement133. Dans le contexte hospitalier des soins généraux, l’acte peut en effet concerner des situations vitales ; les mouvements psychiques qui sont alors impliqués s’en trouvent radicalisés. Les traits qui apparaissent permettent ainsi de saisir ce qui se joue de façon plus diffuse pour un ensemble plus étendu de positions professionnelles.

Dans la rencontre avec le soin, on se trouve en effet au plus près de savoir secrets, de rencontres taboues, d’agirs transgressifs, de vécus initiatiques. Venir comme professionnel à l’hôpital, c’est se retrouver à même de côtoyer la mort, la souffrance, la naissance, la vieillesse, le traumatisme, la folie,( ...) : toute situation qui constitue le quotidien des services hospitaliers. Or ce quotidien est ponctué par l’ensemble des drames qui prennent place en ces lieux. Pénétrer dans une «salle de travail» de maternité, dans un bloc opératoire, se retrouver en position d’accompagner un mourant, de recueillir des récits et des histoires de vies traumatiques (...) : autant de positions émotionnellement poignantes, d’expériences «extrêmes», que tout soignant va être conduit à partager. Il est ainsi nombre de moments où la vie peut apparaître comme plus intense, où le soignant peut s’éprouver comme «vivant» en contraste ou en écho avec les patients. Cette intensité émotionnelle et la proximité de la mort sollicitent le sujet et son désir, percutent ses limites, par-delà la position soignante, au travers de ces rencontres hors du commun.

Dans les représentations sociales courantes, il est fréquent d’entendre parler des positions soignantes comme des équivalents de positions sacerdotales. Ces représentations permettent d’entrevoir comment du «mystère» et du «sacré » demeurent attachés à la sphère du médical ou tout au moins comment ce registre peut être sollicité face à l’«horreur» du quotidien.

Lors d’arrivées dans des services qui accueillent des patients très régressés, il est fréquent d’entendre parler de «baptêmes» pour désigner les premiers contacts et les premiers soins avec ces patients. Le vocable renvoie pour une part aux champs du sacré, via le rite religieux, et d’autre part à la métaphore guerrière du «baptême du feu». Il témoigne ainsi de la charge pulsionnelle, et du «précipité» des dynamiques psychiques qui se trouvent mis en acte dans de telles configurations.

Notes
133.

Les hypothèses proposées nous semblent pouvoir être appliquées à d’autres secteurs et à d’autres institutions notamment à la magistrature, et la police, .... Les inscriptions professionnelles dans le soin sont toutefois paradigmatiques dans leur dimension de symptômes. Le champ lui-même se trouve à l’heure actuelle, au carrefour où se nouent nombre de dynamiques et d’enjeux sociaux. On assiste ainsi à un déplacement des attentes sociales ; celles qui autrefois se jouaient dans le lien avec l’institution religieuse se retrouvent déposées aujourd’hui dans le milieu hospitalier. Les demandes ont migré des prêtres aux médecins, sans que le monde hospitalier en prenne la mesure.