B.3.3.2.2 La formation et le dévoilement : les soins infirmiers en gynécologie

Une enseignante en soins infirmiers relatait comment lors d’un enseignement concernant les soins en gynécologie, elle avait proposé un cours d’amphi à partir d’un montage de diapositives. Elle dira avoir été étonnée de l’excitation qui s’était alors produite, notamment de la part des quelques jeunes hommes (étudiants) venus se placer au premier rang ; excitation qu’elle avait eu du mal à contenir. Cette séquence d’enseignement viendra infléchir le rapport de certains étudiants à son égard ; d’aucuns lui disant au détour d’un couloir : «Et bien on en apprend des «choses» avec vous !».

Énoncé par l’enseignante dans un «entre-deux», ce bref témoignage était assorti d’une justification rationalisante concernant le dispositif pédagogique utilisé. Cette procédure aurait ainsi visé la chute de la composante érotique, au travers de la révélation de ces visons «crues» de sexes féminins altérés, blessés, déchirés.

Cette visée rationalisée, de «désérotiser» le rapport soignant laisse entendre son renversement, au travers d’une mise en scène érotico-sadique, en un «susciter de la répugnance», convoquer à la fascination et au dégoût envers ce lieu du corps, en une exhibition bouchère du sexe féminin assimilé à une plaie. Elle permet d’entendre la jouissance consentie et simultanément déniée, au travers de ce jeu d’emprise scopique de l’enseignante sur le groupe. La «réponse» des jeunes hommes atteste de ce que la relation enseignant-enseigné précipite, et de ce qui s’y transmet. Une telle configuration pédagogique met en partage «quelque chose» de ce qu’il en est pour cette enseignante de son propre rapport à la féminité, au corps féminin, au soin, et simultanément indique une certaine position de jouissance, au travers de ce «donner à voir».

Le couvert de la «pédagogique» témoigne ainsi ouvertement de la composante libidinale du rapport au soin et du travail psychique qui se trouve requis, à l’occasion de ces pratiques. Le soin recouvre de son prétexte, partant autorise ces situations de possibles jouissances. Une telle séquence indique les nouages confusionnants à l’oeuvre (répulsion, fascination, sidération, excitation...) ici, sur un versant pervers. Cette situation témoigne également de la manière dont la relation pédagogique met en jeu et met à mal, les fonctions habituellement requises d’un espace institutionnel : fonction de pare-excitation, «de mise en latence des fantasmes et des pensées trop excitantes», fonction cadre qui autorise une élaboration «a minima».

‘«Le cadre institutionnel est destiné à border cet espace, à offrir des limites pour que s’instaure le travail de la pensée. Il offre un étayage pour mettre en latence les fantasmes et les pensées trop excitantes. Il assure ainsi au groupe soignant une confiance suffisante pour élaborer les déformations de son propre espace mental.» (J.P. Pinel 1995135).’
Notes
135.

Jean Pierre Pinel (1995) L’institution soignante, un espace potentiel pour le traitement de la violence pathologique? - in Revue de Psychothérapie psychanalytique de groupe n° 24, Éditions Érès, p. 142.