B.3.3.4.2 Le nouage de la «bienveillance « à la «composante sadique»,

Ces seules rencontres avec des figures sidérantes ne sauraient toutefois suffire. Il faut encore réaliser en acte des nouages, entre ces aspects antagonistes du soin ; construire une identification «suffisamment» à l’abri des menaces de déliaisons. Pour ce faire le sujet va se retrouver à devoir réaliser un acte soignant qui se trouve configuré une nouvelle fois en «double contrainte».

Au travers des actes proposés se trouve indiquée la double face du soin, soit le couplage omniprésent de l’idéal de la réparation, et de l’acte sadique, de même que la disjonction toujours potentielle entre ces deux aspects. On retrouve ainsi, dans nombres d’actes proposés au «nouveau», le forçage d’un agir sadique.

‘Lors de sa prise de poste auprès de personnes âgées, une infirmière se retrouve ainsi à devoir «gaver» une pensionnaire, manifestement en fin de vie, à l’aide d’un «ouvre-bouche».’

En deçà de ces situations caricaturales, de multiples situations de soin réalisent cette collusion. La «piqûre» en étant le plus banal, la profession infirmière se trouve ainsi superbement emblématisée par la seringue, qui ne saurait mieux dire le couplage structural «intruser-soulager»141.

Il s’agit de lier l’idéal prôné, l’altruisme revendiqué, - ces aspects qui servent de caution au choix de ces professions - à la composante sadique, à la violence du soin. L’ensemble des situations de soins comporte en effet des actes, et supposent des gestes, susceptibles d’induire une souffrance «supplémentaire» (quoique momentanée) sans même évoquer les configurations subjectives sollicitées, (notamment dans le registre de la régression, de l’objétisation ...). Une position qui ne voudrait savoir que l’adéquation avec la figure imaginaire du soignant altruiste, qui viendrait saturer la figure idéalisée du soignant, serait également perçue comme éminemment dangereuse pour le groupe d’accueil, et devrait de ce fait être mise à mal et délogée au plus tôt. Mettre le nouveau venu en position de réaliser des actes violents et transgressifs constitue ainsi un ébranlement de l’idéal du «bon soignant», et permet l’inclusion et le nouage entre le sujet et son nouveau groupe d’appartenance. À contrario une position qui clamerait haut et fort sa jouissance, ne serait pas non plus recevable par le groupe d’accueil. Si des configurations résolument perverses ne sont, bien entendu, pas à exclure, elles témoignent des «ratages» d’un processus, habituellement efficient qui aboutit à la mise en place d’un renoncement pulsionnel partiel en une formation de compromis, sous l’égide de laquelle l’identification professionnelle va se stabiliser.

Notes
141.

À l’occasion d’une réflexion sur ce même sujet (dans le cadrenotion cadre notion cadre notion cadre notion cadre notion cadre notion cadre 171notion cadre notioncadre d’une intervention de formation), une infirmière témoignera comment lorsqu’elle était enfant, son désir «parlait» explicitement cette position. Elle voulait être «infirmière - piqûrière» ; ce qu’elle deviendra par la suite, avant de trouver une position professionnelle plus en dégagement du côté de l’enseignement.