B.4.1.2 Les expériences de «premières fois»

Dans l’ensemble des expériences, celles qui sont vécues par le «Je» pour la «première fois », sont plus que d’autres susceptibles de produire un effet d’étrangement 155. Le travail d’appropriation subjective que toute nouvelle expérience requiert, résonne avec une acuité particulière au niveau des expériences inaugurales vécues par le «Je» lors de l’émergence de sa subjectivité. La capacité d’auto-représentation, de reprise subjectivante du «Je», est en effet liée à ce qu’il en a été de la position occupée par son «porte-parole» (P. Aulagnier), à son endroit, des absences et/ou des empiètements de cet autre privilégié sur sa propre psyché d’infans. Le «Je» ne peut progressivement reprendre les «énoncés identifiants» à son compte, et s’y reconnaître, que pour autant que l’autre maternel a humanisé les différents vécus, les différentes expériences éprouvées par l’enfant et les a mises en langue156.

‘«La particularité du Je fait qu’il a été effectivement d’abord l’idée, le nom, la pensée, parlée par le discours d’un autre : ombre parlée projetée par le porte-parole sur une psyché qui l’ignore et dont elle ignore les exigences et la folle visée.(...). Le Je commence par investir les pensées identifiantes par lesquelles le porte-parole le pense et grâce auxquelles il lui apporte son amour, une fois effectué cet investissement il va pouvoir occuper la place de l’énonçant de ces mêmes pensées. Dès lors elles reviennent à sa propre écoute comme un énoncé dont il est l’agent et par lequel il s’impose à sa propre perception et à sa propre activité de pensée en tant qu’existant. Ces pensées font retour à l’énonçant sous la forme d’un identifié dans lequel l’énonçant rencontre le support nécessaire à son auto-investissement.» (P. Aulagnier 1979157).’

Le mouvement de mise en représentation et d’arrimage des différentes expériences s’accomplit en résonance avec ces processus de transformation originaires. Toute expérience doit trouver place dans une chaîne signifiante, à partir d’une mise en représentation langagière158, d’un processus d’auto-représentation, sous peine que perdure le statut d’étrangement, qu’une immobilisation n’ait lieu et que se mette en place des clivages plus ou moins conséquents.

Notes
155.

Le terme d’étrangement est l’une des traductions de l»entfremdung» freudien. Nous allons retrouver ce terme lorsque nous considèrerons «Un troublenotion trouble notion trouble notion trouble notion trouble notion trouble notion trouble notion trouble notion trouble de mémoirenotion mémoire notion mémoire notion mémoire notion mémoire notion mémoire notion mémoire notion mémoire notion mémoire sur l’acropole». Ce choix de traduction est celui qui a été retenu pour la traduction française intégrale des textes freudiens en lieu et place de l»étrangeté» : cf. «Traduire Freud«, Bourguignon A., et alii (1989), Paris, Puf, p. 245. Ce mot d’étrangement résonne à l’oreille comme un mot-valise, dans lequel l’étrangeté le dispute au dérangement, ce qui du reste le définit superbement, même si ce n’était pas là la visée première des traducteurs.

156.

Rappelons que pour désigner la fonction de l’autre maternel, en ce qu’elle va autoriser la progressive construction d’une position de familiarité, et de réflexiviténotion réflexivité notion réflexivité notion réflexivité notion réflexivité notion réflexivité notion réflexivité, W. Bion parle de fonction « a». Ce concept s’apparente étroitement à ce que Piera Aulagnier désigne comme la fonction de «porte-parole».

157.

Piera Aulagnier (1979), Les destins du plaisir - Paris, Puf - p. 23-24.

158.

Si le langage demeure la condition même de l’appropriation subjectivante du discours énoncé par le «porte-parole» maternel, la danse, le théâtre, le mime, constituent autant de modalités de symbolisationnotion symbolisation notion symbolisation notion symbolisation notion symbolisation notion symbolisation notion symbolisation notion symbolisation notion symbolisation auxiliaires de mise en code du corps - pour autant que le sujet se soumette à l’obligation d’un codage, aux fins de partage, et de représentation, au sein d’un groupe qui en propose et en partage les codes.