B.4.1.5.1 Le sacré de transgression

Le «Je» procède, via l’expérience, à la mise en place d’un véritable mirage narcissique. L’effraction traumatique ne lui échappe en effet, que dans la mesure où il octroie à cette expérience la vertu de lui fournir précisément un statut d’exception et la possibilité de s’éprouver comme hors du commun-comme «en-dehors», à l’extérieur de cette représentation de sa propre psyché, qu’il éprouve comme régentée par un(e) autre. Il ne saurait y avoir paradoxalement de meilleure mise «hors champ» que celle de l’établissement interne d’un clivage, sous l’égide du «sacré ».

En lieu et place de se construire un savoir sur ce qui lui est arrivé, le «Je» s’interdit tout travail de reprise élaborative, tout travail de pensée, tout travail d’historisation. Le «sacré » est ici un sacré de transgression.

Dans l’expérience «habituelle» du «sacré », Mircea Éliade souligne comment celle-ci procède d’une identification à une figure extérieure au Je («les Héros civilisateurs, les Ancêtres mythiques»), dont le «Je» se sait le descendant. Le sacré fait lien et inscrit le «Je» dans une chaîne, qui le réfère à l’Origine, et celle-ci ne saurait qu’échapper à tout homme.

‘«Le primitif place son idéal d’humanité sur le plan surhumain. À son sens, 1’on ne devient homme complet qu’après avoir dépassé, et en quelque sorte aboli, l’humanité «naturelle», car l’initiation se réduit, en somme, à une expérience paradoxale, sur-naturelle, de mort et de résurrection, ou de seconde naissance ; 2° les rites initiatiques comportant les épreuves, la mort et la résurrection symboliques ont été fondées par les dieux, les Héros civilisateurs ou les Ancêtres mythiques : ces rites ont donc une origine surhumaine et, en les accomplissant, le néophyte imite un comportement sur-humain, divin. Ce point est à retenir, car il montre encore une fois que l’homme religieux se veut autre qu’il ne se trouve être au niveau «naturel» et s’efforce de se faire selon l’image idéale qui lui a été révélée par les mythes. L’homme primitif s’efforce d’atteindre un idéal religieux d’humanité, et dans cet effort se trouvent déjà les germes de toutes les éthiques élaborées ultérieurement dans les sociétés évoluées.» (Mircea Éliade1957168).’

Dans la transgression et au travers des identifications corrélées, il y a bien tentative de sortie d’un état éprouvé comme «état de nature», dans la mesure où celui-ci est vécu sur le registre d’emprise de l’autre maternel (la mère-nature). La perspective du «Je» est bien celle de se retrouver humain –surhumain, mais en faisant l’impasse sur le lien aux Dieux, aux Héros et aux Ancêtres qui fait l’humain, et signe le manque. La revendication est simplement celle du statut d’exception, d’une sacralité hors lien.

Notes
168.

Mircea Éliade (1957), Le sacrénotion sacré notion sacré notion sacré notion sacré notion sacré notion sacré notion sacré notion sacré et le profane - Trad. franç. 1965 Paris, Gallimard, Folio 1987, p. 159.