B.4.2.4 Le traumatisme comme nouvelle naissance sociale, dans le lien

‘«Le monde historique ne serait donc pas tant un monde où le processus d’initiation a disparu qu’un monde où personne n’en a jamais fini avec lui» (J.J. Goux 1990202).’

Si dans nombre de sociétés traditionnelles l’initié c’est celui qui est éveillé à la connaissance, dans nos configurations culturelles, le statut d’adulte désigne celui qui occupe par rapport à l’enfant la position d’un sujet «supposé savoir». L’entrée dans les «professions de la relation» constitue donc un de ces passages-clefs en permettant au «Je» de se retrouver au plus près de réalités qui convoquent ces savoirs relevants «traditionnellement» d’un dévoilement. Il y a ainsi un «avant» et un «après» de la rencontre.

Lors de ces moments organisateurs qui conjoignent paralysie de la pensée et précipité identificatoire, les risques d’aliénation sont doubles. Au niveau des individus, ces passages peuvent se jouer hors de toute inclusion dans un groupe réel (la situation d’Annie Ernaux, va en témoigner). Le «Je» se livre alors au vertige de l’auto-fondation, de l’auto-engendrement. Au niveau des groupes (et notamment des groupes professionnels) ces passages peuvent aussi précipiter un mouvement de clôture, où les groupes se pensent alors comme ceux qui permettent au postulant de s’originer de façon nouvelle ; le groupe à cet endroit se retrouve au plus près des dérives sectaires. Dans de telles utilisations des traumatismes professionnels, le pari du groupe c’est que le sujet va parvenir à retourner le traumatisme (les rencontres sidérantes et les actes transgressifs) en point d’origine (qu’il va «‘reconstruire sa vie à partir du moment 0 de l’initiation’ », pour reprendre la formulation de T. Nathan). Le groupe tente de s’assurer en cela que «l’origine ne saurait leur échapper», lors même que c’est de se caractériser comme «ce qui échappe 203  » précisément, que l’origine libère le «Je» de l’emprise (de l’autre parental, et ici de l’autre social, qui dérobe cette même place). Le groupe tente alors de s’assurer de la mise en place d’une «scène primitive» (sidérante) valant comme fantasme originaire, ce qui va alors le garantir de toute déliaison ultérieure (fantasme dont les collages idéologiques portent la trace). Si le sujet consent à partager un tel fantasme de sa naissance à une nouvelle identité, alors il doit sa nouvelle vie au groupe204, et ne saurait le trahir. L’aliénation est alors consommée.

Notes
202.

Jean Jacques Goux (1990), OEdipenotion OEdipe notion OEdipe notion OEdipe notion OEdipe notion OEdipe notion OEdipe notion OEdipe notion OEdipe philosophe - Paris, Aubier, p. 210.

203.

Nous développerons cet aspect lors de nos considérations sur la «ligature générationnelle» dans la II° partie (partie «C») de ce travail.

204.

Ainsi de cet éducateur travaillant dans un centre pour «handicapés mentaux», disant de son directeur «Je lui dois la vie !». La direction qui arrivera par la suite dans cette institution aura affaire précisément avec des dérives en tout point semblables aux dérives sectaires, dans leurs attributs de déni massifs de la réalité, sous le couvert d’idéalisationnotion idéalisation 171notion idéalisation notionidéalisationnotionidéalisationnotionidéalisationnotionidéalisationnotionidéalisationnotionidéalisation de certains acteurs institutionnels-clefs et de leur parole sacralisée.