L’on se trouve donc avec cette question du traumatisme dans les professions du soin et du travail social avec cette double potentialité : soit cet aspect potentiellement élaboratif, et cathartique de la traumatophilie, et cet autre qui permet aussi au «Je» de se maintenir dans une excitation constante. Dans cette perspective, le champ professionnel permet de voir la mise en place de ces excitations sur le mode d’une fuite en avant sans trêve en une illusoire maîtrise : une excitation est alors censée chasser l’autre, chacune devant faire barrière à la précédente ; le travail de subjectivation et l’abaissement de la tension qu’il est en mesure de promouvoir sont ainsi constamment remis à demain. Les rencontres traumatiques poussent toujours plus avant l’excitation, et la jouissance s’en trouve préservée, sans qu’il soit possible de se poser, de se reposer. Dans un tel fonctionnement groupal sous le primat de la jouissance la pensée est alors exclue. Réintroduire un processus de pensée élaboratif en cet endroit, va supposer un «forçage » (nous allons le voir plus en détail à propos des espaces d’analyse de pratique), sans que le mouvement ne puisse être garanti en quelque façon.
René Kaës (1991), op. cité, p. 85.