B.5.2 Traumatisme, transgression et auto-fondation

B.5.2.1 La revendication héroïque, comme issue au traumatisme

En son condensé, le récit d’Annie Ernaux donne de la lisibilité à certains destins du traumatisme, notamment à ces traumatismes auxquels le «Je» participe activement, où il met en acte son appétence traumatophilique (J. Guillaumin 1985). Un destin consiste pour le «Je» à s’arrimer au traumatisme et/ou à l’acte transgressif comme à un point d’origine en un mouvement d’auto-fondation, d’auto-engendrement. Le «Je» peut ainsi choisir de se saisir du traumatisme pour l’ériger en moment fondateur. Cette manière d’utiliser le traumatisme est certes une manière de l’intégrer, mais en s’y soumettant et en s’y perdant. Se met alors en place une nouvelle excitation qu’il va s’agir d’alimenter sans cesse. Le moment traumatique se transforme en point d’origine imaginaire. Cette prévalence de l’imaginaire dans lequel le sujet s’engouffre le désarrime de la chaîne symbolique et générationnelle. L’expérience traumatique devient son origine mystérieuse. Le sujet est seul à savoir qu’il est «né» à ce moment-là, ce qui dissout pour lui le lien d’inclusion dans une chaîne généalogique et signifiante, et le précipite hors de la temporalité. Dans le cas d’Annie Ernaux, ceci est d’autant plus aisé qu’elle expérimente le traumatisme et le vécu transgressif dans la solitude, ce qui potentialise l’exclusion qui va se donner comme la glorification du hors la loi et comme clôture auto-fondatrice. La visée de complétude recouvre ce qui dans le traumatisme est précisément la marque de la castration, et qui devient l’objet du refus.

L’expérience traumatique est conservée dans sa charge d’excitation valant paradoxalement contre l’excitation incestueuse-incestuelle. Le traumatisme est cadré par le «Je» comme signant une séparation jamais assurée, comme un refus identificatoire par crainte d’une aliénation totale à l’emprise maternelle248. L’issue est alors la revendication d’une position héroïque249 comme dédommagement d’un préjudice subi.

Notes
248.

Le texte témoigne de la violence de ces confusions au travers notamment de ces énoncés qui ne sauraient s’exclure l’un l’autre :»J’ai tué ma mère», et «j’ai le corps de ma mère».

249.

Annie Ernaux face au traumatismenotion traumatisme notion traumatisme notion traumatisme notion traumatisme notion traumatisme notion traumatisme notion traumatisme notion traumatisme conjoint une double revendication : la place de hérosnotion héros notion héros notion héros notion héros notion héros notion héros notion héros notion héros et celle de héraut, en lien avec sa prétention au statut d’écrivain.