B.5.2.1.1 Sidérer l’autre comme preuve de la traversée du carrefour identitaire

Corrélée à ce mouvement de prétention identitaire, une autre dynamique d’utilisation du traumatisme consiste à faire éprouver à l’autre une part de la sidération par soi-même éprouvée, et d’en jouir en retour. Le «Je» tente d’évacuer projectivement dans l’autre, la violence à laquelle il s’est trouvé confronté, d’exporter ce qui a fait trou dans sa psyché. C’est alors dans la sidération éprouvée par l’autre que le «Je» reconnaît qu’il a survécu, qu’il a réussi à supporter l’épreuve (recherchée et/ou subie). C’est un tel mouvement de sidération aperçu chez l’autre qui devient la preuve de son propre statut héroïque. Ce mouvement est une reprise à l’identique (M’Uzan M. de 1969250), et ne permet pas de déboîter de la position construite par le «Je». Il participe tout au contraire au renforcement de cette position, ce qui oblitère tout travail de reprise élaborative.

Il s’agit d’amener l’autre au point énigmatique que le «Je» a dû confronter ; cet autre est alors recherché dans sa «potentialité thérapeutique» et simultanément disqualifié, - par où se profile la part masochiste de telles configurations251.

Au travers de l’écriture, A. Ernaux s’extrait de la sidération, du temps aggloméré (ce temps «hors temps») et, dans la mise en partage avec le plus grand nombre, au travers de l’édition, jouit à nouveau de la sidération qu’elle sait possible de faire éprouver à l’autre (le lecteur). À défaut de faire elle-même de «l’évènement» l’objet d’une élaboration psychique, il acquiert un statut «culturel», via la notoriété littéraire de l’écrivain. A. Ernaux tente ainsi de maintenir la satisfaction narcissique octroyée par le franchissement incessant d’une limite : cette destruction revendiquée de l’intime, dans la dépossession qu’en réalise le récit autobiographique. On est alors dans un registre d’exhibition : l’autre doit savoir, moi, je ne suis plus que le héraut de cette geste. Ce franchissement lui fait quitter un statut identificatoire mal différencié d’avec l’autre maternel, et en acquérir un nouveau via la transgression : diabolique issue à la solitude, qui renforce le clivage.

Notes
250.

Michel de M’Uzan (1969), Le même et l’identique - in : De l’art à la mort, (1977), Paris, Tél. Gallimard, p. 84-85.

251.

Les «divans» connaissent bien ces mouvements de disqualificationnotion disqualification notion disqualification notion disqualification notion disqualification notion disqualification notion disqualification notion disqualification notion disqualification de cela même que les sujets recherchent «désespérément». À propos du contre-transfertnotion transfert notion transfert notion transfert notion transfert notion transfert notion transfert notion transfert notion transfert , nous avions noté qu’une certaine pensée psychanalytique (historiquement datée) a même stigmatisé ce mouvement comme «réaction thérapeutique négative».