B.6.1.1 Lien entre «excitation » et «fantasme» dans la pensée freudienne

Nous pouvons établir une première proximité de concept, un premier pontage entre ce qui chez Freud apparaît sous le terme d’«excitation », et qui lui sert de point d’appui dès 1915 pour définir la «pulsion». L’excitation est alors liée au scénario fantasmatique au sein duquel le «Je» se déplace sur la scène de l’inconscient. Dans son étude sur le fantasme «Un enfant est battu» (1919), Freud indique cette connexion entre la position inconsciente occupée par le «Je», et ses sous-bassements fantasmatiques. Les fantasmes secondaires, tel le fantasme prototypique «un enfant est battu», sont bien facteurs d’une excitation, qui n’a de cesse de se revivifier, au «feu» des fantasmes originaires.

‘«Si l’on conduit l’analyse à travers ces toutes premières périodes dans lesquelles est logé le fantasme de fustigation et à partir desquelles il est remémoré, elle nous montre l’enfant empêtré dans les excitations de son complexe familial.» (Freud, 1919270).’

Rappelons que pour Freud, «‘la jouissance ne fut rien d’autre qu’un vocable de la langue, jamais un concept de sa théorie’» (N. Braunstein 1990271). C’est à Jacques Lacan, que nous devons d’avoir mis l’accent sur ce concept de jouissance. Il en développera l’usage en s’appuyant sur les notions freudiennes de pulsion et de libido narcissique. Il fera ainsi explicitement référence au «mythe scientifique» freudien de «Totem et tabou», pour arrimer la jouissance à l’endroit de l’archaïque et de la mort.

Au cours du Séminaire de 1969-1970, suivant pas à pas le mythe freudien, Lacan pointe la mise en oeuvre d’une ouverture, d’une émergence hors de l’archaïque dans le mouvement de renoncement que réalisent les fils après le meurtre du père. Le renoncement est celui de s’emparer de la place de la jouissance. Pour se maintenir telle, cette place requiert précisément de prendre toute la place, et donc de convoquer une lutte fratricide en un cycle de violence sans fin - Lacan postule une telle place comme celle de «l’impossible», qui n’acquiert ce statut que d’être référée au père mort. C’est dans la mort que le père de la horde incarne cette jouissance en tant que «toute», et c’est le meurtre qui promeut cette place.

‘«Que le père mort soit la jouissance se présente à nous comme le signe de l’impossible même.»(J. Lacan272). ’

Le mouvement de renoncement instaure une place vide au centre du groupe et en chacun des fils. Au cours du repas anthropophage chacun des frères va incorporer «un bout» de celui qui dès lors symbolise l’impossible de la jouissance, - ce que Lacan articulera ultérieurement avec la place du «phallus ». Le père archaïque devient dans sa mort le dépositaire mythique du «phallus». La jouissance, en tant que «toute», disparaît de la scène pour rejoindre la figure du père archaïque dans la mort. L’interdit est alors mis en partage par les frères : interdit d’occuper la place de celui qui possède toutes les femmes du groupe. Cette assomption symbolique promeut l’émergence de la Loi, cette loi qui «troue» la jouissance en tant que «toute». Elle va alors se décliner dans la forme inaugurale de l’interdit de l’inceste. Au sein de la horde, le troupeau des femelles devient le groupe des femmes et des mères. Dès lors chacun des fils devra sortir du clan, de la tribu pour aller gagner à l’extérieur sa part de jouissance sexuelle, s’engager dans l’échange et dans l’aventure humaine. On assiste donc conjointement à l’émergence des frères dans leur singularité et leur alliance au groupe fraternel à un même mouvement d’émergence du côté des femmes. Chacune devient unique dans le couplage auquel elle va se trouver conviée ; dans le même temps chacune se trouve référée à une appartenance groupale, au clan, en tant que cette appartenance la frappe du sceau de l’interdit : celui du commerce sexuel intragroupal, autrement dit celui de l’inceste.

‘«L’interdit (de l’inceste) oeuvre à protéger chaque sujet de ce point de contact, qui n’est pas la rencontre de deux corps désirants, mais le point où sexe et mort deviennent inséparables.» (N. Zaltzman 2001273).’

Notes
270.

S. Freud (1919 a), Un enfant est battu - Trad. franç. in Névrose psychose et perversionnotion perversion notion perversion notion perversion notion perversion notion perversion notion perversion notion perversion notion perversion , Paris, Puf, 1973, p. 226.

271.

Nestor Braunstein (1990), La Jouissance, un concept Lacanien - 1992 pour la traduction franç., Paris Point Hors Ligne, p. 8.

272.

Jacques Lacan ((1969-1970), Le Séminaire livre XVII - L’envers de la psychanalyse, Paris, Seuil, 1991 b, p. 143.

273.

Nathalie Zaltzman (2001), L’incestenotion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste est-il une notion psychanalytique? - in André J. (sous la direction de.) Incestes - Paris, Puf, p. 69.