B.7.2.1.2 Blanc de pensée à propos d’une accueillie

Même si, rappelons-le, la violence conjugale spécifie la tâche primaire de ce groupe, puisqu’elle c’est elle qui «fait appel» et justifie la venue de ces femmes en ce lieu d’accueil, ces situations peuvent contraindre les professionnelles accueillantes à des refoulements massifs, et précipiter des mouvements de déni, de clivage, face aux effets sidérants et/ou morcellants, des dynamiques psychiques alors présentifiées. La configuration d’équipe entraîne un premier temps de fragmentation des conglomérats d’affects de ces éléments psychiques projetés par les femmes accueillies dans le cadre et dans les liens (notamment dans le lien aux professionnelles) ; dès lors que ces éléments sont mis en partage, que les différentes scènes où ils se sont donnés à voir ou à entendre sont ramassées en un seul espace (celui de l’A. de P.) l’accumulation des affects dessine alors un tableau dont le pouvoir d’horreur s’accroît. Il devient dès lors difficile de regarder (d’écouter) pareille configuration sans s’y abîmer. En plus de ses propres éprouvés, chacun des participants va se retrouver confronté aux affects de chacun des autres. L’intervenant est ainsi convié à faire advenir et à maintenir l’ensemble de ces scènes dans le registre de la représentation. Il s’agit de les conduire hors de la seule prégnance des affects engendrés par l’horreur (affects qui s’éprouvent dans une mise en faillite de la pensée en un continuum émotions - éprouvés corporels). Le mouvement qu’entraîne la fréquentation de telles situations produit une exclusion (expulsion) de la représentation et la préservation du seul affect expérimenté lors de la rencontre. Selon le degré de régression, des bribes d’images peuvent ou non subsister ; dans les régressions les plus extrêmes, seul demeure un éprouvé hors de toute représentation300.

Le travail de liaison de ces masses d’affects, de ces bribes éparses de représentations, consiste, dans un «forçage » du sens, à les lier dans une interprétation301 de façon telle qu’elles permettent de différencier une figure du monstrueux et celle de la personne accueillie -  le monstrueux est alors entendu comme témoignant de ce qui n’a pas encore trouvé figure humaine, et qui vient se révéler dans les symptômes. Les éléments pathogènes peuvent alors être pensés comme cela même qui attaque l’usager, vient le tourmenter, le hanter ; et conduire le groupe à considérer ces éléments comme le lieu même du travail psychique auquel ils sont convoqués, et dans cette reconnaissance, s’imaginer qu’à partir de leur propre résistance face à la destructivité et mise en sens, la personne accueillie pourra elle-même en reconnaître un bout. Les éprouvés auxquels le groupe est soumis sont alors «envisagés» (ils prennent littéralement visage humain) comme permettant de «connaître» les symptômes dans lesquels sont enfermées les personnes accueillies (entre honte, dégoût, et déréliction).

Notes
300.

Signalons que nous expérimenterons nous-mêmes de la difficulté à ne pas refouler, à ne pas faire «glisser à la trappe» une part de cette configuration, au vu de la crudité des énoncés et de la conjonction entre les éléments incestueux et la fécalisation meurtrière. Nous aurons du mal à faire tenir ensemble les 3 sidérations dans une même représentation, avant qu’elles ne trouvent à se fédérer dans le mouvement interprétatif, et à se consolider dans la chaîne associative groupale qui s’en suivra.

301.

Celle-ci peut prendre les formes les plus diverses, mais trouve son efficace à la condition qu’opère un «dégagement», un «déplacement» générateur de symbolisationnotion symbolisation notion symbolisation notion symbolisation notion symbolisation notion symbolisation notion symbolisation notion symbolisation notion symbolisation . Les espaces d’A. de P. favorisent les interprétations de type théorisantes et métaphorisantes, qui valent alors comme de véritables boucliers de Persée, face aux monstres médusants.