B.7.3 Le désir de meurtre et l’étrangement»

En opposition avec le travail groupal dont fait état la situation précédente, celle que nous allons à présent considérer va nous permettre de voir comment les professionnels se retrouvent confrontés à la confusion dans l’isolement, lorsque face aux attaques émanant des «usagers», et des résonances de ces agirs destructeurs sur les professionnels (individuellement et collectivement), le travail de décontamination n’est pas réalisé. Le professionnel qui se trouve aux prises avec ces «agirs» n’a alors le choix qu’entre valider la disqualification dont il est l’objet, la position d’impuissance qu’il expérimente, au dessein de demeurer lié au groupe de pairs (à l’institution et à ses «pactes»), ou affronter sa singularité, au risque d’entrevoir la violence de l’enfermement de ces mêmes pactes groupaux inconscients, et de ne plus être à même d’y souscrire. Il va donc être question du fragile équilibre de l’étayage du «Je» sur la position professionnelle et de sa mise en porte-à-faux.

Dans cette situation la professionnelle du champ de l’éducation spécialisée, soumise à des attaques et à un processus de disqualifications et ne pouvant les confronter dans le cadre de l’institution, s’est autorisée à «traiter» l’effraction hors de celle-ci. Un travail d’auto-réflexivité et une (re)mise en pensée ont ainsi pu avoir lieu, à partir d’un espace «intermédiaire» de transformation de ses identifications professionnelles, sous la forme d’un cursus d’études universitaires. On peut considérer que cette potentialité de travail d’élaboration n’est pas pour rien dans la survenue de l’événement effractif que nous allons relater. Le fait qu’un tel espace fasse partie des investissements du sujet nous paraît à même d’entraîner un affaiblissement des défenses professionnelles antérieures, telles qu’elles étaient mises en partage dans le groupe des pairs (notamment la part de ces défenses qui, pour garder leur efficace, doit rester en position de méconnaissance). Si le professionnel est déjà en quête d’un ailleurs pour mettre en travail sa position, il signe en cela qu’il ressent la faiblesse des étayages groupaux, et qu’il est en passe de réaliser un dé-couplage d’avec l’appareil psychique groupal311.

Dans ces investissements externes au groupe professionnel et à l’institution, le sujet prend donc le risque d’un dés-étayage, d’avec ses liens groupaux antérieurs, dans le même temps où il tente de restaurer hors de son groupe d’appartenance, une professionnalité altérée. Il tente alors de s’extraire de ce qui se configure pour lui comme «enfermement», au moment où le plaisir trouvé dans la relation à «l’objet» professionnel se retourne en persécution. Le travail de pensée va ainsi être mis en route hors de l’institution, entérinant une séparation, voire une rupture des liens groupaux. L’institution se retrouve dès lors occuper la place imaginaire de la violence et de l’enfermement, dont elle n’a su préserver le sujet312.

Dans ces configurations institutionnelles, la pensée du professionnel se remet en route à l’occasion de la déliaison, dans le franchissement des interdits habituellement maintenus par les pactes groupaux, ainsi que dans le retour de la part pulsionnelle initialement liée par/dans ces mêmes pactes et contrats. Cette part pulsionnelle rendue disponible, permet un mouvement d’attaque psychique de l’institution, qui autorise dès lors une pensée critique et peut initier un mouvement de pensée élaboratif.

Notes
311.

À moins que la norme du groupe ne suppose précisément ces inscriptions dans des filières de recherche - et autres groupes d’affiliations : [groupes analytiques...] - comme un des signes de l’appartenance à partir duquel s’établit et se partage une prime narcissique.

312.

Lorsque nous aurons à traiter de la diachronienotion diachronie notion diachronie notion diachronie notion diachronie notion diachronie notion diachronie notion diachronie notion diachronie de l’institution, et spécifiquement de la fondationnotion fondation notion fondation notion fondation notion fondation notion fondation notion fondation notion fondation notion fondation , nous aurons à nous arrêter, sur la part de fondation qui s’établit «contre». Dans la situation présente, ce mouvement de clivagenotion clivage notion clivage notion clivage notion clivage notion clivage notion clivage notion clivage notion clivage indique déjà comment un mouvement de remaniement (et donc une nouvelle fondation) des identifications professionnelles se dessine selon le même mouvement, ce que René Roussillon (1987), en suivant D.W. Winnicott, spécifie comme un mouvement en «détruit-créé».