Suite à cet affrontement Carole dira son désir de quitter cette institution, signalant en cela que ce qui est venu se révéler (se réveiller) là, dans cette expérience, témoigne d’un des enjeux fondateurs, sous-tendant sa position professionnelle. Nous pouvons supposer qu’elle a alors «rencontré» une figuration, un seuil, un «éprouvé limite», qu’elle était venue chercher à révéler par le biais de cette configuration professionnelle ; mais simultanément que la déliaison d’avec le groupe, et le débordement qui la fait passer dans le clan des «incompétents» ne lui permet plus d’envisager de revivre de telles expériences, sans en être détruite. De telles rencontres précipitent parfois l’émergence d’éléments non-advenus dans la genèse du «Je», et dont le manque s’actualise à ces occasions, déliant une organisation psychique qui jusque-là se trouvait en position d’équilibre relatif
Le travail de décontamination qui autorise la sortie d’expériences confusionnantes, les différenciations, et la restauration narcissique qui permet la mise en pensée, n’ont pas eu lieu. Cette institution est dès lors envisagée comme incapable d’offrir une prime de plaisir suffisante. Le plaisir résulte de l’élaboration d’une pensée en commun, au sein d’un groupe, susceptible de permettre à chacun de différencier ses éprouvés et de les lier au sein d’une chaîne signifiante, révélant les souffrances et les enfermements de la personne accueillie. Ce mouvement même de la reconnaissance des enfermements de l’usager peut alors permettre au professionnel d’y reconnaître ses propres terreurs, ses propres angoisses, tout en réduisant la charge destructrice et meurtrière.
Afin de rétablir ses équilibres identificatoires, Carole déclarera vouloir transformer les vécus énigmatiques et déstabilisants en un «objet» de recherche, s’inscrivant par ailleurs, dans de nouvelles affiliations, pour son bénéfice et celui de son nouveau groupe d’appartenance.
Paul Fustier (1996315) propose l’idée que toute recherche est mise en route par une rencontre, un «cas», qu’il désigne comme le «cas déclencheur». Si notre fréquentation de nombre de professionnels inscrits dans une recherche universitaire nous permet de valider aisément ces propositions, nous ajoutons que ce «cas» n’acquiert un tel statut que de rencontrer les failles identitaires du sujet, via les zones de fragilité du professionnel, ceci en articulation avec un champ d’exercice «choisi» comme susceptible de permettre de telles émergences. C’est ainsi dans le contexte universitaire que Carole viendra chercher à «entendre» les bouleversements, les débordements, induits par la situation qui lui a été donnée d’éprouver.
C’est au moment où les étayages habituels d’un professionnel sur/dans son groupe des pairs, se trouve mis en défaut, que les rencontres dérangeantes font crise, et opèrent comme déclencheurs de mise en travail, parfois, de mise en recherche. Cette subite confrontation du sujet à un «ne pas / ne plus savoir y faire» vient s’immiscer à l’endroit exact où, en tant que professionnel, il se trouvait pris dans une représentation antérieure de lui-même (en lien avec ses identifications professionnelles et son groupe de pairs), comme justement «sachant / pouvant y faire» avec la part de fragilité et de carence qui soutenait sa position à son insu ; soit «sachant y faire avec son symptôme.»
C’est le moment de la mise en faillite de l’étayage sur son symptôme qui caractérise l’entrée en analyse pour un sujet ; ce temps où : «Le sujet ne sait plus y faire avec son symptôme» (P.L. Assoun316). Celui-ci vient alors solliciter un «autre» qu’il instaure en place de «supposé savoir». Mais, lorsque la carence et l’effondrement sont vécus sur le versant de la position professionnelle, outre le divan et ses ersatz, le sujet trouve également d’autres adresses dans sa visée de restauration narcissique, dont celles qui empruntent le chemin de l’Université, «lieu d’un savoir supposé 317«.
Paul Fustier (1996), Le cas fondateurnotion fondateur notion fondateur notion fondateur notion fondateur notion fondateur notion fondateur notion fondateur notion fondateur en recherche clinique - Bulletin de Psychologie, Tome XLIX n°425, p. 471-475.
Paul Laurent Assoun : communication orale Séminaire Centre Thomas More - 11 Mai 1996.
Soulignons l’aporie qu’un tel parcours génère : l’Université (dans le cadrenotion cadre notion cadre notion cadre notion cadre notion cadre notion cadre notion cadre notion cadre de l’approche en psychologie clinique), attendue comme le lieu d’un «savoir supposé» se fait celui de la révélation d’un»savoir qui ne se sait pas» (J. Lacan, M. Mannoni), par le biais de la métapsychologie et de la cure qui sert alors la plupart du temps de référence pour l’élucidation du fonctionnement la psyché.
Nous développons cette perspective dans une participation à un ouvrage collectif à paraître 2002 c, En savoir un bout - in Mercader P. et Henri. A.N. (sous la direction de), La psychologie : filiationnotion filiation notion filiation notion filiation notion filiation notion filiation notion filiation notion filiation notion filiation bâtarde, transmissionnotion transmission notion transmission notion transmission notion transmission notion transmission notion transmission notion transmission notion transmission incertaine», p 115-128.