B.7.4 Pensée opératoire vs pensée élaborative

‘«Castration et identification sont les deux faces d’une même unité, une fois le Je advenu, l’angoisse resurgira chaque fois que les repères identificatoires risquent de vaciller. Aucune culture ne peut protéger le sujet contre le danger de ce vacillement, de même qu’aucune structure ne peut préserver le sujet de l’expérience de l’angoisse.» (P. Aulagnier 1975318).’

Ainsi que l’énonce Piera Aulagnier, le «Je» vacille en ses repères chaque fois qu’il se retrouve confronté à l’angoisse. Or le «Je» ne cesse d’espérer qu’il pourrait être un lieu, un savoir, un autre, à même de le protéger de cette expérience de «l’angoisse» ; de ce point de vue, la quête qui a lieu sous l’égide d’une position professionnelle participe de cette recherche paradoxale de protection.

Dans ces deux institutions, le Foyer «Les Collines» (Les trois sidérations), et la Maison d’enfants (où Carole éprouvera le désir de meurtre), on trouve une aimantation du fonctionnement psychique des groupes vers un mode opératoire, face aux gouffres identitaires, aux éprouvés «limites», qui s’y expérimentent. La nécessité d’un travail de reprise et de symbolisation n’en est que plus patente. Là où la pensée dans son aspect d’élaboration subjectivante, ne trouve pas à être investie comme partie intégrante du travail, le groupe des professionnels n’est alors plus lié qu’au travers de ses modalités de fonctionnement opératoires, qu’au travers de l’acte, comme c’est le cas dans la «Maison d’enfants». Chacun des professionnels n’est relié au groupe, que dans et par son «savoir faire», qu’au travers de l’acte (que l’on hésite dès lors à dénommer) «éducatif», - il s’agit ici de «savoir canaliser» le groupe d’enfant, de «savoir faire face» à la destructivité. La pensée n’a pas acquis le statut d’objet de partage, et seule l’idéologie est convoquée en place de pare-excitation mensongère et leurrante - on a pu en constater la faillite pour certains professionnels. Cette faillite devient alors la condition même pour que d’autres soient en mesure de parvenir à «canaliser» et à «faire face».

Si ces deux institutions n’ont rien à s’envier concernant les «extrêmes» de la violence qui est rencontrée dans ces lieux sous le couvert de la professionnalité, l’existence ou l’absence d’un travail de «retraitement» (de «décontamination», de «tempérament») différencie radicalement l’économie de la jouissance qui s’y déploie. Les professionnels se retrouvent dès lors dans un lien à leurs «objets» radicalement différent. Là où à la Maison d’enfants tout débordement se retrouve interdit, disqualifié et prend valeur disqualifiante pour le professionnel qui ne parvient pas à «canaliser», au Foyer d’accueil «Les Collines», le débordement dans la reconnaissance et la mise en sens qui peut en être faite, devient le lieu à partir duquel se restaure une professionnalité constamment attaquée, et une cohésion de groupe inclusive des «usagers». La Maison d’enfants ne peut qu’exclure et verrouiller (les professionnels, les enfants, et la pensée), sous peine de morcellement et d’explosion.

Les modalités de traitement de la jouissance, face à la déliaison mortifère, apparaissent ainsi comme une interrogation centrale dans la vie de ces institutions, et le travail d’accueil et d’accompagnement qui peut s’y réaliser. De sa prise en compte dans l’une des institutions, résulte une bienveillance en partage, là où dans l’autre on se trouve aux prises avec un surmoi archaïque persécuteur et meurtrier.

Notes
318.

Piera Aulagnier (1975), La violence de l’interprétationnotion interprétation notion interprétation notion interprétation notion interprétation notion interprétation notion interprétation notion interprétation notion interprétation - Paris, Puf, p. 199.