C.1.1

C.1.1.1 Visées de la société et «travail des institutions»

«En Afrique nous savons fabriquer des sages». Ces propos attribués à Amadou Hampâté Bâ326 disent ouvertement ce qui se trouve voilé dans nos sociétés prétendument «ouvertes», où il n’est plus «politiquement correct» d’énoncer la visée éducative, la «fabrique327 » des sujets qui la constituent et de ceux qui sont appelés à prendre place en son sein328. Or tout groupe social, joue de sa pérennisation et de sa reproduction, au travers de sa culture et de ses institutions. Ces dernières apparaissent ainsi comme l’expression et le prolongement d’une culture, réservoir d’«expérience accumulée329 », matrice identitaire proposée-imposée aux nouveaux venus330.

La tâche de la société, et partant, celle des institutions, consiste à proposer une matrice culturelle afin que chacun des sujets trouve à y inscrire son histoire singulière. Elles se doivent d’instituer les sujets, et d’assurer les règles de la filiation331. Pour ce faire il y a lieu de baliser les chemins de la différenciation, soit d’interdire l’inceste et de sanctionner (juridiquement) la confusion. Les institutions proposent des «bornages» entre licite et interdit, et clarifient les limites imposées à la jouissance des sujets - Il n’est que de penser à la fonction anthropologique du «juridique», pour entrevoir ce travail de bornage, de liaison psychique que doivent réaliser au bénéfice du socius, les différentes instances qui le représentent.

On entrevoit ainsi l’appareillage que toute société se doit de mettre en place et de soutenir pour aider au refoulement et à la sublimation de la destructivité et de la violence mortifère et meurtrière. Vivre ensemble requiert une canalisation, une liaison des pulsions. La société a ainsi pour tâche d’assurer une identité collective, de faire lien et de faire tiers entre les sujets.

Notes
326.

Amadou Hampâté Bâ (1900-1991), de ce conteur et chercheur (de l’institut français d’Afrique noire) spécialiste de la culturenotion culture notion culture notion culture notion culture notion culture notion culture notion culture notion culture peule et des traditions africaines on connaît le cri d’alarme célèbre: «En Afrique quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle».

327.

Un essai de Pierre Legendre daté de 1996 porte le titre de : «La fabrique de l’homme occidental» (Mille et une nuits & Arte éditions). Soulignons que le travail de Pierre Legendre auquel nous aurons à nous référer, explore et met à jour cette corrélation entre la catégorie du juridique et les assises psychiques du sujet.

328.

Dans la période actuelle, tout énoncé de projet porteur d’une visée idenfiante est dénoncé par les tenants d’une certaine idée de la démocratie, comme une atteinte intolérable à la liberté confondue avec le narcissismenotion narcissisme notion narcissisme notion narcissisme notion narcissisme notion narcissisme notion narcissisme notion narcissisme notion narcissisme . Sous le couvert de la «liberté» des sujets, le narcissisme devient un absolu, la nouvelle aune de mesure de «l’avancée» de nos démocraties, dès lors dénommées «démocraties avancées» - par où l’on voit émerger une menace de déliaison radicale des agencements du vivre ensemble, tel que ces mêmes sociétés se sont efforcées de les construire et de les maintenir, au travers de la visée démocratique, en tant que modalité spécifique de lien groupal.

329.

René Roussillon parle du «cadrenotion cadre notion cadre notion cadre notion cadre notion cadre notion cadre notion cadre notion cadre « comme «de l’expérience accumulée» (communication du 17.03.2001 «Rencontres ouvertes» de Lyon II). On peut dire en ce sens que la «culturenotion culture notion culture notion culture notion culture notion culture notion culture notion culture notion culture « est un «méta-cadre». Elle représente ce bain dans lequel les sujets vont prendre leur coloration, et à partir duquel (dans un travail de reprise ultérieur) ils vont devoir se réapproprier leurs identifications.

330.

Cornélius Castoriadis (1975) parle à cet endroit de «société instituante» (L’institution imaginaire de la société - Paris, Seuil).

331.

André Sirota (1998) développe une approche analogue lorsqu’il propose de définir la culturenotion culture notion culture notion culture notion culture notion culture notion culture notion culture notion culture (au sens anthropologique) comme «ce qui équipe les individus de capacités de vivre, de penser et d’agir de façon adaptée au monde qui les environne et qui leur donne des capacités de transformations créatrices d’eux-mêmes et du monde. Par la culture, l’individu est doté d’un appareil à penser et se représenter ma société, sa place et son rapport à celle-ci ainsi que les relation des individus entre eux. La culture donne à l’individu la capacité de communication avec son environnement, et par un travail et des techniques partagés avec d’autres, elle lui permet une intégration sociale. L’être humain cherche l’autre, le groupe, la société, pour réaliser, par construction culturelle, ce qu’il ne peut produire seul étant donné son incomplétude, fondatrice de l’humanité.»

À propos de l’efficacité symboliquenotion symbolique notion symbolique notion symbolique notion symbolique notion symbolique notion symbolique notion symbolique notion symbolique de la culturenotion culture notion culture notion culture notion culture notion culture notion culture notion culture notion culture , il poursuit : «La culture doit fournir à chaque individu une représentation non strictement fantasmatique de sa place de sujet, du sens de la distribution des places dans la générations et au sein de sa propre générationnotion génération notion génération notion génération notion génération notion génération notion génération notion génération notion génération , avec ses dimensions tant familiales que sociales et historiques.» (A. Sirota [1998], Des espaces culturels intermédiaires - in Revue internationale de Psychosociologie, Vol.V n° 9, La scène sociale : crise, mutation, émergence, Paris, Éditions Eska, p. 93-94).