C.1.2 Incidences de la subjectivité de «l’objet» sur la configuration psychique des institutions

C.1.2.1 L’institution suppose une tendance an-historique

Nous avons indiqué dès notre introduction, que le travail requis des professionnels au sein des institutions du soin et du travail social se heurtait à une tendance anhistorique, «uchronique» (R. Kaës 1980, J.C. Rouchy 1999347). L’ensemble des processus de déliaison mortifère avec laquelle ces institutions sont aux prises, altère le rapport à la temporalité, abolit le déroulement de la trame temporelle.

En appui sur la métapsychologie de P. Aulagnier348, nous considérons en effet comme indissociables : historisation, travail de la pensée et processus identificatoires. C’est le refus, de consentir à l’histoire, de prendre place parmi d’autres 349 dans la généalogie, qui apparaît comme le facteur prépondérant de la déliaison mortifère, ceci tout autant au niveau des sujets individuellement, que des configurations inter et trans-psychiques que constituent les institutions et les groupes de professionnels. Tout «Je» est pris dans une telle oscillation entre refus et consentement à l’histoire, en lien avec le «forçage généalogique» (P. Legendre) et le travail d’appropriation subjective relatif aux différentes castrations350. Cette oscillation résonne avec les énigmes fondatrices351, ces élaborations requises des différences qui permettent la structuration de la psyché et celle du «Je», à partir de la dramaturgie oedipienne. Ces dynamiques se rejouent dans le lien entre les professionnels et l’institution comme «objet», en fonction des différentes places professionnelles occupées (dans la double dimension synchronique et diachronique constitutive des institutions). Elles sont également sollicitées dans la rencontre entre les professionnels et les sujets «objets» de la prise en charge.

Les achoppements et les impasses du processus d’historisation concernent l’ensemble des niveaux institutionnels et l’ensemble des acteurs, ainsi que nous l’avons souligné précédemment :

  • les sujets qui font «l’objet» de la «prise en charge» (les «usagers») ;

  • les professionnels individuellement, au regard de leur propre économie psychique ;

  • ces mêmes professionnels au niveau des configurations groupales qu’ils composent (les pactes, les contrats) ;

  • le groupe institutionnel en tant que totalité, dans son rapport à l’histoire et à la fondation de l’institution (au travers notamment des occultations dont les fondations et les re-fondations sont le lieu) ; ceci concerne donc :
    • le groupe dans son rapport au pouvoir ;

    • les représentants symboliques de l’institution, les directeurs, au travers de leur propre rapport au pouvoir, et donc aux modalités de liens dans lesquelles ils se tiennent à l’égard de l’institution comme «objet psychique».

Notes
347.

René Kaës (1980), L’idéologienotion idéologie notion idéologie notion idéologie notion idéologie notion idéologie notion idéologie notion idéologie notion idéologie , Études psychanalytiques - Paris, Dunod.

À propos des institutions de soin Jean Claude Rouchy énonce une proposition qui va dans ce même sens : «Lorsque l’on parle d’institution sur un modèle très globalisé, la différence entre institution et organisation reste dissimulée, et ce qui fonde les établissements, les centres, les équipes reste masqué, disparaît même complètement. En d’autres termes, cette condensation provoque une amnésie du sens donné autrefois à la maladie mentale, au soin, aux rapports soignants/soignés en fonction desquels le travail a été organisé. Il peut dès lors rester fondé, sur les mêmes principes, au temps présent. Une telle amnésie est source d’immobilisme, de rigidité, car l’institution apparaît comme un état «naturel», immuable, situé hors du temps. Elle n’est pas sujette à des variations. C’est là un des pôles de résistance les plus redoutables, car il fait disparaître (forclos du champ de l’analyse), ce qui peut constituer l’objet même du changement : le rapport entre l’institué et l’instituant.» (J.C. Rouchy 1999, Analyse de l’institution et changement - in Revue de Psychothérapie psychanalytique de groupe, 1999.1 n°32, Groupe et institution, Éditions Erès, p. 23).

348.

Piera Aulagnier (1975, 1984).

349.

L’expression résonne avec l’éclairage proposé par Denis Vasse, notamment avec le titre explicite de l’un de ses ouvrages : «Un parmi d’autres,» (1978), Paris, Seuil.

350.

Nous aurons à développer ultérieurement cet aspect à partir du regard sur la généalogienotion généalogie notion généalogie notion généalogie notion généalogie notion généalogie notion généalogie notion généalogie notion généalogie institutionnelle et la violence qui s’y déploie.

351.

À propos des énigmes fondatricesnotion énigmesfondatrices notion énigmesfondatrices notion énigmesfondatrices notion énigmesfondatrices notion énigmesfondatrices notion énigmesfondatrices notion énigmesfondatrices notion énigmesfondatrices et des interdits fondateurs et la forme qu’eles revêtent dans les institutions : la différence entre la Vie et la mort se donne à entendre dans le rapport à l’originenotion origine notion origine notion origine notion origine notion origine notion origine notion origine notion origine de l’institution, à la fondationnotion fondation notion fondation notion fondation notion fondation notion fondation notion fondation notion fondation notion fondation , et aux ancêtres-fondateurs ; la différence entre les sexes et entre les générations se rencontre au travers des questions de la généalogienotion généalogie notion généalogie notion généalogie notion généalogie notion généalogie notion généalogie notion généalogie notion généalogie dans son lien avec le pouvoir et les garants institutionnels, de même qu’au travers des liens aux différents «usagers» (les différents sujets autour desquels s’est bâtie l’institution). Les interdits fondateurs concernent la violence meurtrière, l’interditnotion interdit notion interdit notion interdit notion interdit notion interdit notion interdit notion interdit notion interdit de meurtre, et l’interdit de l’incestenotion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste , et se jouent dans la confusionnotion confusion notion confusion notion confusion notion confusion notion confusion notion confusion notion confusion notion confusion dé-différenciatrice des places et des fonctions, et dans les disqualifications meurtrières de la professionnaliténotion professionnalité notion professionnalité notion professionnalité notion professionnalité notion professionnalité notion professionnalité notion professionnalité notion professionnalité , dont les attaques des garants institutionnels.