C.1.2.3.1 Les usagers : une scène mal stabilisée

Les «usagers» des structures de soin et de travail social se caractérisent majoritairement dans le registre des positions «limites 362« (antisocialité, toxicomanie, dépression, troubles somatiques, ...), ou présentent des troubles psychotiques avérés, (...). Dans ces configurations le fantasme ne parvient pas à être cantonné dans une position inconsciente. La pulsion non liée au sein de l’appareil psychique n’a de cesse de venir «contaminer», troubler et confusionner les identifications et l’identité de ces sujets, et de troubler et confusionner la psyché de chacun des professionnels qui se trouve en lien avec ces sujets (et en cela la psyché groupale institutionnelle). Dans les institutions du soin et du travail social, la scène du fantasme ne parvient pas à être stabilisée, suffisamment filtrée et transformée par la censure pour venir faire «bonne figure», et autoriser un travail de secondarisation au niveau de la représentation consciente. Elle ne trouve pas à être suffisamment «tempérée», dans la mesure où elle ne se corrèle pas de façon intrinsèque, à un interdit qui en garantisse la place dans le registre inconscient du fantasme au sein de l’appareil psychique, et permette une différenciation entre l’imaginaire et la réalité.

La pensée se déploie à partir de scenarii fantasmatiques ayant valeur d’arrière-fond stabilisé (suffisamment silencieux363) comme c’est le cas au niveau des groupes qui n’ont pas à composer avec la subjectivité de leurs «objets professionnels». Du tourneur ajusteur et de ses pièces manufacturées364, à l’expert-comptable et à ses «bilans», une multitude de professions et de professionnels ne sont pas inlassablement confrontés à l’énigme du désir de leur «objet professionnel » et directement questionnés par ces mêmes «objets», relativement à leurs propres désirs, à leur égard.

Notes
362.

Les positions psychiques regroupées sous le terme de «limites» font état d’un déficit des fonctions intermédiaires, notamment du filtre du préconscient. Ainsi Jean-Pierre Pinel parlant de ces adolescents qu’il désigne comme : «les organisations intermédiaires à expressions comportementales», écrit «Le malfaçonnage de la première topique et notamment l’inélaboration du préconscient ne permettent pas à ce dernier d’exercer sa fonction d’intermédiaire, et de «sas psychique». (J.P. Pinel [1995] L’institution soignante, un espace potentiel pour le traitement de la violence pathologique - in Revue de Psychothérapie psychanalytique de groupe n° 24, Éditions Érès, p. 129).

363.

Alain-Noël Henri formule ainsi le lien entre «identité et mise au silence du narcissismenotion narcissisme notion narcissisme notion narcissisme notion narcissisme notion narcissisme notion narcissisme notion narcissisme notion narcissisme « : «Dans les pratiques sociales contemporaines, la référence à l’identité est une tarte à la crème. Depuis trente ans, nous avons les oreilles rebattues de «l’identité de l’éducateur spécialisé», «l’identité du psychologue», «l’identité de l’infirmier psychiatrique», etc. Depuis trente ans je ne cesse de rappeler à mes interlocuteurs que je n’ai jamais entendu parler de l’identité du tourneur-ajusteur. Ce me fut un grand soulagement intime lorsque je trouvais enfin la définition convenable de cette identité-là, car le mot me paraissait résonner fort loin des concepts savants que recouvre le vocable dans la littérature ethno-psychologique. L’identité c’est le silence du narcissisme - au sens où la santé est le silence des organes.» (Alain-Noël Henri [2002], op. cit., p. 177).

364.

Convié par A.N. Henri.