C.1.2.3.2 Les professionnels se prennent les pieds dans leurs fantasmes

Les professionnels sont ainsi amenés de façon incessante à se prendre les pieds dans leurs fantasmes, dans la mesure où ceux-ci se trouvent constamment présentifiés sur la scène de la réalité, puisque constamment agis en une incessante tentative d’abréaction du traumatisme, par les sujets faisant l’objet d’une prise en charge dans ces institutions (patients, résidents, usagers, ...). Les groupes de professionnels se retrouvent donc aux prises avec une configuration psychique qui n’en finit pas de se déconstruire. La scène du fantasme des professionnels ne peut donc pas être remisée en ses territoires d’ombres, et c’est dans sa crudité qu’elle vient sans cesse continuer à générer du traumatisme, et attaquer la psyché - la figure du traumatisme qui spécifie les populations prises en charge dans/par ces institutions, étant l’archétype de la dédifférenciation.

Ce qui dans l’histoire d’un sujet n’est pas parvenu à se différencier, à se lier dans la symbolisation, fait retour dans le réel. En s’occupant de ces sujets en souffrance et/ou en déshérence, les institutions ont donc à composer avec ces retours, ces répétitions qui témoignent des agirs de la pulsion de mort.

Lors de nos considérations sur la construction des identifications professionnelles de ces professions, nous avons pu voir à propos des nouages entre les nouveaux professionnels et le groupe d’affiliation (au travers des «baptêmes» et autres mises en position de sidérations) que ces traumatismes sont re-joués par le groupe des professionnels à l’endroit des nouveaux arrivants, dans une pérennisation des modalités de défense de l’appareillage groupal et institutionnel existant. Les professionnels rencontrent ainsi au décours des différentes «prises en charge», des échos des fantasmes qui se devraient de rester méconnus pour prétendre à un statut d’«organisateur psychique» et autoriser de la pensée dans son aspect élaboratif. Ces confrontations dans la réalité avec les agirs transgressifs des «usagers» produisent des déliaisons mortifères au niveau des professionnels, attaquant en permanence les cadres institutionnels.

‘«Ces fantasmes originaires, normalement organisateurs, deviennent des désorganisateurs institutionnels lorsque se produisent des «passages à l’acte», détruisant dans le réel, les éléments du cadre institutionnel qui sont les signifiants d’une problématique oedipienne. En effet les fantasmes originaires sont alors déconstruits et réduits à leurs composantes faites de violence, de sexualité et de folie. Se manifestent, en pleine page de la vie institutionnelle, les éléments béta, ainsi libérés par la perte du sens.» (P. Fustier 1987365).’

De telles atteintes traumatiques donnent à entendre les structurations particulières que ces institutions vont avoir à construire, du côté de la prise en charge.

Notes
365.

Paul Fustier (1987), L’infrastructure imaginaire des institutions. A propos de l’enfance inadaptée - in Kaës et alii L’institution, les institutions, Paris, Dunod, p. 155.