C.2.1.3 Le pouvoir dans les institutions

Sur la scène du lien social, les jeux relationnels, groupaux et institutionnels entretiennent la confusion selon laquelle le pouvoir serait le lieu supposé de la complétude. L’institution n’a en effet de cesse de raviver une telle visée de complétude dans les modalités relationnelles archaïques qu’elle sollicite de la part des sujets. Au niveau des institutions, le «phallus » renvoie donc tout à la fois à une place vide, et à une place toujours «déjà occupée». Le complexe d’OEdipe se trouve donc réactivé, «remis en chauffe», dans le jeu des places institutionnelles et dans la conquête du pouvoir. Se profilent alors les impasses oedipiennes du meurtre et de l’inceste - et en ce point s’ouvre la question du prix à payer sur le registre de la culpabilité.

«Mieux vaut le pouvoir que baiser !»

Ce proverbe napolitain rapporté par Massimo Tomassini (1992387) témoigne en sa trivialité, comment pour le «Je», le pouvoir peut aisément venir se substituer au désir. Si le désir place le sujet face à son manque, et le livre aux risques de l’altérité, le pouvoir en sa tentation extrême est bien ce miroir narcissique tendu au sujet, dans lequel tout autre peut s’effondrer.

Sous la plume de P.L. Assoun, on trouve une affirmation qui, quoique moins lapidaire, dessine ce même mouvement.

‘«L’amour du pouvoir» est donc bien effectif, mais il fait symptôme, plus fondamentalement, à une stratégie «érotique», tout en lui fournissant une «échappatoire» : celui qui aime passionnément le pouvoir rend en quelque sorte son désir superflu, puisqu’il produit une «jouissance» (narcissique, phallique, mortifère) qui le place au-delà même du désir. L’objet de cette «pulsion de pouvoir» est donc bien imaginaire, en ce qu’il fait écran au désir, mais il peut revendiquer par là même toute sa place, comme affirmation de soi et par ses effets destructifs. Le désir de pouvoir est en ce sens déni du désir de l’autre.» (P.L. Assoun1994388).’

De se référer à une place vide, l’imaginaire de la «dynamique phallique», va promouvoir le signifiant des «Noms-du-Père». L’émergence de la métaphore des «Noms-du-Père» est une opération de substitution «au cours de laquelle l’enfant substitue au signifiant du désir de la mère, le signifiant Nom-du-Père» (J. Dor 1992389).

C’est d’être référé à l’institution comme «instance maternelle» que la métaphore se met à fonctionner. La dynamique d’élection dans laquelle se précipitent et/ou sont précipitées dès lors qu’elles sont nommées, les personnes qui occupent des postes de direction, atteste de ce gouffre narcissique dans lequel il est désormais possible de s’engloutir. Une confusion peut à tout instant s’instaurer dans cette aimantation dans le désir de l’autre, et la visée de possession imaginaire et d’emprise mortifère que cette position fait miroiter.

En cela les positions de dirigeants et de responsables réfèrent à la fonction paternelle. Or c’est bien le fait d’occuper une fonction, d’être «en place de», qui garantit aux personnes placées sous la responsabilité d’un autre, que celui-ci se situe au lieu de cette instance qui témoigne d’une possible altérité, sans s’y confondre. Autrement dit que pour eux aussi il y ait « du père », il y ait de l’Autre. C’est du moins là, pour celui qui vise à occuper une telle place et pour les institutions, un enjeu essentiel.

Notes
387.

Massimo Tomassini (1992), dans la Revue Française de Psychanalyse Tome LVI, (1992), De l’emprise à la perversionnotion perversion notion perversion notion perversion notion perversion notion perversion notion perversion notion perversion notion perversion .

388.

Paul Laurent Assoun (1994), La psychanalyse à l’épreuve du pouvoir - in Analyse et réflexion sur le pouvoir, Volume II, Ouvrage collectif, Paris, Ellipses, p. 71.

389.

Joël Dor (1992), Le Père et sa fonction en psychanalyse – Paris, Point Hors ligne, p. 24.