C.2.3.3 La parole, la mise en débat et le traitement de la conflictualité

Le corollaire nécessaire aux arrimages symboliques indispensables à une configuration institutionnelle suffisamment «tempérée», concerne le statut institutionnel de la parole et du débat, et le travail de la conflictualité.

La configuration psychique institutionnelle dans son déploiement en organisation requiert une structuration formelle des instances et des lieux de traitement de la conflictualité, soit des espaces et des temps où la parole soit à même de faire débat, et de produire de la différence ; ceci de façon à ce que la part de violence nécessaire aux jeux de la différence (dans les configurations institutionnelles), trouve à se mettre en scène et à s’actualiser de façon suffisamment ritualisée416.

Si la parole réfère fondamentalement «à ce qui échappe» (en ce qu’elle relève en sa structure et son origine de l’entre-deux), si elle est génératrice d’écarts, de différences, dans les institutions, elle court toujours le risque d’être rabattue en discours, et que soit effacé, dénié ce lien au symbolique, sous une inflation d’imaginaire - celle-ci revêt alors les formes grimaçantes ou sucrées de l’idéologie. Le pouvoir est toujours suspect d’être en mesure de s’emparer de la parole, de la confisquer. Si ce mouvement est flagrant au niveau des instances du pouvoir, il est toutefois le propre de tout acteur institutionnel ; chacun est en mesure de confisquer la parole dans sa transformation en discours, et dans un verrouillage de la parole des autres sous le couvert de l’idéologie.

Là où l’idéologie prime, s’esquisse l’ombre des systèmes totalitaires. Le fonctionnement de ces organisations nous éclaire sur ce rapt qui se déroule dans de telles organisations sous le couvert du «bien commun» et sa toujours possible actualisation dans les institutions.

‘«Une civilisation se caractérise par des organisations régies dans leurs conceptions, leurs principes, leurs critiques, leurs actes politiques, par le souci du bien commun, public et privé. Ce bien commun se caractérise à son tour par la recherche d’une alliance, d’une compatibilité entre les buts de l’intérêt général et ceux de l’intérêt individuel. Le totalitarisme délie le bien individuel du bien commun. Seul le bien collectif public relève du bien commun. Le bien privé devient lettre morte.» (N. Zaltzman 1998417).’

L’éclairage à partir de ces organisations totalitaires qu’élabore N. Zaltzman (la déliaison entre « l’intérêt général et l’intérêt individuel») contribue à rendre compte de l’agir de la déliaison mortifère. Les attaques disqualifiantes418 viennent ainsi dérober «la Référence» qui en cet acte même se trouve détruite puisque refusée en tant quelle «échappe».

‘«Le rapport au Père mythique consiste fondamentalement à mettre l’absolu à distance, en faisant précisément de ce Père l’indice de la Référence absolue, de sorte que tout père concret se trouve ipso facto sous statut limité, de n’être pas, lui, l’absolu.» (P. Legendre 1989419).’
Notes
416.

Ainsi de ces prises de position de directeurs énonçant des interdits de parole relativement à des situations conflictuelles, ne permettant pas en cela que les conflictualités agissantes puissent se déployer. La confusionnotion confusion notion confusion notion confusion notion confusion notion confusion notion confusion notion confusion notion confusion est alors mise au rang des «stratégies managériales», et n’autorise pas les sujets à se différencier et à s’éprouver dans la confrontation d’une limite référée à une loinotion loi notion loi notion loi notion loi notion loi notion loi notion loi notion loi , dans un éventuel arbitrage.

417.

Nathalie Zaltzman. (1998), De la guérison psychanalytique - Paris, Puf, p. 15.

418.

Nous allons revenir sur les mouvements qui caractérisent les attaques disqualifiantes au sein des groupes professionnels et des institutions.

419.

Pierre Legendre (1989), op. cit., p. 131.