Dans ses rencontres avec les institutions le «Je» ne manque pas de se confronter aux imagos maternelles et au registre de l’archaïque, tels qu’évoqués par F. Pasche (1983). Si toute période de transformations de remaniements dans les identifications entraîne pour le «Je» d’importants désétayages, ces désétayages fragilisent en retour les modalités défensives. Ces périodes laissent donc (ré)apparaître des mouvements régressifs avec leurs cortèges de peurs et d’angoisses archaïques. «Désir anéantissant d’y retourner, de s’y engloutir et, puisqu’il s’en nourrit, d’en être envahi» - toutes traces précoces de ce que le «Je» a dû «affronter», se trouvent ainsi évoquées, voire réveillées.
‘«Après la naissance, après la séparation du corps de la mère, et même au cours du maternage le plus satisfaisant, l’enfant aura tout d’abord à affronter sous forme de cauchemars, plus rarement d’angoisses vigiles, le désir anéantissant d’y retourner, de s’y engloutir et, puisqu’il s’en nourrit, d’en être envahi454. Désirs plus ou moins projetés, mais toujours raccordés aux fantasmes inconscients de la mère. Il devra triompher de ses désirs pour conquérir son identité, autrement dit son existence, existence distincte de celle d’une dyade dont il serait la moitié constituante. Nous avons tous eu à lutter avec le Monstre, à aborder la mère archaïque.» (F. Pasche 1983455).’Lors de ses rencontres initiales avec les institutions, le professionnel s’est trouvé aux prises avec de telles figures de la dévoration. Lorsque ce même professionnel parvient en position de responsable, il est de façon nouvelle et radicale, confronté aux fantasmes inhérents à cette place. La position d’élection qui est la sienne réveille alors l’ensemble des peurs et des angoisses comme autant d’échos de ces batailles menées pour se différencier d’avec la mère archaïque, ceci de façon concomitante avec la reviviscence d’expériences de fusion et de possession de «l’objet» convoité. Le sujet se retrouve donc face à la rivalité oedipienne et à une nouvelle élaboration de sa place dans la génération. L’éprouvé de solitude s’en trouve radicalisé.
Une des lectures du mythe d’OEdipe permet de dessiner une telle perspective. Le mythe est alors considéré comme mythe d’investiture royale, et mythe d’initiation masculine (D. Anzieu 1975, J.J. Goux 1991). L’affrontement au monstre femelle (aux figures de la dévoration et/ou de la séduction) constitue dès lors un ingrédient majeur de l’épreuve456. La position de solitude éprouvée (dans la fonction de direction) fait écho à cette question de l’investiture et au cortège de fantasmes (oedipiens) qui lui sont attachés457. Dans le même temps le «Je» rencontre un changement de statut qui le réfère à une position d’adulte, position qu’il peut vivre comme «un isolement tragique», ou comme une «indispensable solitude» (M. Bonnet 1998a458). Au travers de l’accroissement des marges d’actions, des potentialités imaginaires et réelles d’agir sur l’autre, d’agir l’autre - la relation d’autorité permet de «faire faire à l’autre»-, le «Je» rejoint les imagos parentales. Une telle place confère une plus grande maîtrise vis-à-vis de l’institution comme «objet», via l’organisation, les nominations, et donc une plus grande maîtrise sur les professionnels et les «usagers» - les nominations permettent ainsi d’établir un système de filiations, et d’y jouer des fantasmes généalogiques.
Francis Pasche souligne en notes que ces «expériences sont en quelque sorte l’envers d’autres expériences de fusionnotion fusion notion fusion notion fusion notion fusion notion fusion notion fusion notion fusion notion fusion , béatifiques elles, avec «l’imagonotion imago notion imago notion imago notion imago notion imago notion imago notion imago notion imago «.
Francis Pasche (1983), Aspects de la mère archaïquenotion archaïque notion archaïque notion archaïque notion archaïque notion archaïque notion archaïque notion archaïque notion archaïque dans la mythologie - in Le sens de la psychanalyse, Paris Puf, 1988, p. 110. Le passage en italique est souligné par nous.
Si nous nous accordons avec F. Pasche dans le mouvement qu’il dessine de la confrontation avec le «Monstre» référant au maternel archaïquenotion archaïque notion archaïque notion archaïque notion archaïque notion archaïque notion archaïque notion archaïque notion archaïque , nous ne le suivons pas dans la dénomination d’«imagonotion imago notion imago notion imago notion imago notion imago notion imago notion imago notion imago « qu’il lui confère dans son texte. Dans notre manière de concevoir la structuration de la psyché groupale institutionnelle, «l’imago» positive nous paraît constituer un pôle imaginaire et identificatoire défensif pour les professionnels, dans une défensenotion défense notion défense notion défense notion défense notion défense notion défense notion défense notion défense contre le fantasme. Nous aurons l’occasion de revenir sur cette intrication entre l’imago et le fantasme, que nous proposons de désigner comme «scénario matricielnotion scénariomatriciel notion scénariomatriciel notion scénariomatriciel notion scénariomatriciel notion scénariomatriciel notion scénariomatriciel notion scénariomatriciel notion scénariomatriciel «.
Nous trouvons chez Didier Anzieu la même distinction dans ses réflexions de 1980 à propos de l’imagonotion imago notion imago notion imago notion imago notion imago notion imago notion imago notion imago : «Faut-il rajouter à cette liste (des imagos) une imago de la mère phallique ? La mère phallique et la mauvaise mère sont incontestablement deux réalités psychiques différentes par leur contenu et leurs effets. Mais la première me semble être plutôt un fantasme originaire qu’une imago.» (Didier Anzieu (1980), Le groupe et l’inconscient - Paris, Dunod, p. 188). - étant entendu que nous amalgamons ici ces deux aspects du maternel archaïquenotion archaïque notion archaïque notion archaïque notion archaïque notion archaïque 171notion archaïque notionarchaïquenotionarchaïque : «mère phallique» et «mère archaïque».
L’affrontement avec le monstrenotion monstre notion monstre notion monstre notion monstre notion monstre notion monstre notion monstre notion monstre constitue l’épreuve majeure des parcours initiatiques (tels que relatés dans la mythologie grecque) qui transforment les fils en rois, à leur tour garants de la cité. J.J.Goux (1991), comparant la structure d’un ensemble de mythes, a mis en évidence un ensemble de séquences (un monomythe) qui dessinent le parcours initiatique des hérosnotion héros notion héros notion héros notion héros notion héros notion héros notion héros notion héros (tels Persée, Bellérophon, Jason, ...). Cette structure énonce les filiations et les arrimages à un père (à un roi), comme nécessaires à l’affrontement avec le monstre. Dans ce parcours mythique le héros y rencontre trois rois (un roi persécuteur [qui redoute la puissance naissante du fils], un roi mandateur [celui qui désigne l’épreuve], et un roi donateur [celui qui offre sa fille, la princesse, en mariage]). Il s’agit selon les termes de J.J. Goux d’accomplir le «monstricide» pour délivrer la «jeune fille», cette part du «féminin», différenciée de l’archaïquenotion archaïque notion archaïque notion archaïque notion archaïque notion archaïque notion archaïque notion archaïque notion archaïque , que le héros va épouser au terme de la série d’épreuves. L’épreuve centrale consiste donc en un affrontement avec un monstre femelle d’originenotion origine notion origine notion origine notion origine notion origine notion origine notion origine notion origine marine - L’historienne des religions Marie Delcourt met elle aussi l’accent sur ces figures du monstrueux comme caractérisées dans le registre du féminin (M. Delcourt 1944) -. Il pourrait être intéressant de s’interroger plus avant sur les conditions nécessaires à l’occupation de la place de référant institutionnel, dans le lien que ces professions entretiennent avec l’excitationnotion excitation notion excitation notion excitation notion excitation notion excitation notion excitation notion excitation notion excitation , les positions héroïques et les affrontements aux figures du monstrueux. En lien avec les propositions de J.J. Goux on pourrait interroger le rapport que ces représentants institutionnels vont développer à l’égard de leur «cité», dans son lien avec leur sortie de la sidérationnotion sidération notion sidération notion sidération notion sidération notion sidération 171notion sidération notionsidérationnotionsidération et de la captation incestueuse qu’elle maintient. Sont-ils parvenus à accomplir le «monstricide» avant d’accéder à leur poste de direction ? Ou l’institution se trouve-t-elle en place de figure archaïque maternelle, en place d’objet incestueux, et sont-ils au travers de cette rencontre, livrés au risque de l’incestenotion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste avec son cortège de destruction et de mort ?
Le mythenotion mythe notion mythe notion mythe notion mythe notion mythe notion mythe notion mythe notion mythe d’OEdipenotion OEdipe notion OEdipe notion OEdipe notion OEdipe notion OEdipe notion OEdipe notion OEdipe notion OEdipe est analysé par cet auteur comme un dérèglement de la structure du monomythe où le hérosnotion héros notion héros notion héros notion héros notion héros notion héros notion héros notion héros est habituellement protégé des tentation de l’incestenotion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste notion inceste et du meurtre, au travers de son lien aux pères et aux «rois», et de son inscription dans une généalogienotion généalogie notion généalogie notion généalogie notion généalogie notion généalogie notion généalogie notion généalogie notion généalogie . Le dernier roi rencontré (le roi donateur), celui qui offre sa fille en mariage, est donc celui qui consent à la générationnotion génération notion génération notion génération notion génération notion génération notion génération notion génération notion génération , à la temporalité, et à sa propre finitude, au bénéfice du futur roi. (Jean Jacques Goux (1991), Oedipe philosophe - Paris, Aubier, 223p. et (1996 a), Le mythe d’OEdipe comme initiationnotion initiation notion initiation notion initiation notion initiation notion initiation notion initiation notion initiation notion initiation esquivée - in Godelier M. et Hassoun, J. (sous la direction de), Meurtre du Père, Sacrifice de la sexualiténotion sexualité notion sexualité notion sexualité notion sexualité notion sexualité notion sexualité notion sexualité notion sexualité , Paris, Arcanes, p. 69-78).
Nous avons pu voir ce vertigenotion vertige notion vertige notion vertige notion vertige notion vertige notion vertige notion vertige notion vertige , caractérisé par Freud comme étrangement à propos du «Trouble du souvenir sur l’Acropole», cf. l’association freudienne autour du sacre de Napoléon et la convocation du pèrenotion dupère notion dupère notion dupère notion dupère notion dupère notion dupère notion dupère notion dupère en cet endroit de risque de noyage narcissique, sous le sceau de l’auto-engendrementnotion auto-engendrement notion auto-engendrement notion auto-engendrement notion auto-engendrement notion auto-engendrement notion auto-engendrement notion auto-engendrement notion auto-engendrement .
Selon le titre de l’article de M. Bonnet (1998 a), De l’isolement tragique à l’indispensable solitudenotion solitude notion solitude notion solitude notion solitude notion solitude notion solitude notion solitude notion solitude - in Topique n°64, «Solitudes», L’esprit du temps, p. 101-118.
Rappelons ce que nous avons précédemment souligné (dans le chapitre «Assignations») du lien entre les professions du soin et du travail social (et quelques autres), et l’entrée imaginaire dans une position d’adultenotion adulte notion adulte notion adulte notion adulte notion adulte notion adulte notion adulte notion adulte , du fait de l’accès à des savoirs «secrets», à des agirs transgressifs, voire tabous.