C.4.2.1.3 Le pacte entre la présidente et la directrice

Si le «respect» est bien un trait de caractère que nous pouvons partiellement reconnaître à Madame «D», il apparaît que cette directrice témoigne en ce trait de sa fidélité à la présidente-fondatrice, aux fins de pérenniser le contrat initial qui l’a faite advenir en position de première directrice d’une nouvelle structure, dont la tâche primaire touche à l’hospitalité. Ce pacte, au-delà de ces deux partenaires, sous-tend l’organisation psychique de cette institution.

Dans le respect des places. Madame «D» ne cesse de témoigner à la présidente que c’est bien elle, la présidente fondatrice qui donnant forme à son fantasme génère la structure, et que Madame «D» ne saurait occulter cette place, et l’en déposséder. Pour ce faire, il faut donc fournir régulièrement la preuve que ce pacte ne saurait être rompu, ce que réalise Madame «D» en ne posant sa marque qu’en creux, en s’effaçant, et en témoignant de sa non-confusion avec l’institution comme objet. Cet excès de respect des rôles et des places imaginaires, conduira à passer à côté de sa détresse de la jeune femme au studio «encombré». On se trouve ainsi en présence de positions d’altérité imaginaires au service d’identifications qui se prennent pour des repères symboliques.

Ce que le pacte entre directrice et présidente prétend préserver et qui ne saurait être remis en cause, c’est le point idéologisé à partir duquel s’est établie la fondation. L’idée mise en oeuvre procédait en effet d’une «terrible simplification» qui donnait à croire que fournir un toit à ces personnes allait leur permettre de retrouver de la dignité. Celle-ci devait commencer à s’exprimer dans le respect à développer à leur égard. L’accès à un logement représente dans l’imaginaire social une première étape préalable à une insertion - le milieu qui promeut une telle idée se dénomme lui-même : l’insertion par le logement -. Le travail requis consiste, dans une telle perspective, à offrir une contenance maternante et respectueuse, l’accueil équivalant alors à un acte de réparation. La place du «respect» dans ce cadrage est entendue comme ce qui a manqué à ces personnes et dont elles ont besoin pour «se remettre d’aplomb». L’évènement du studio encombré, vient dénoncer le leurre à partir duquel se sont construits de tels scenarii.

Les directeurs ne sauraient échapper à cette confusion partielle entre leur personne et l’institution, quand bien même ils parviennent à ne pas s’y confondre totalement. Ils ne sauraient non plus échapper à cette nécessité de poser leur marque, et d’accepter qu’à partir d’eux s’établissent des jeux identificatoires et des filiations professionnelles, pour autant qu’une pensée sur les liens trouve à se développer. Quel que soit le positionnement choisi par le responsable le silence va venir recouvrir ce que l’institution dans ses développements initiaux n’est pas à même de confronter. Ce n’est que progressivement que l’utopie fondatrice perd potentiellement de sa puissance d’occultation de certains aspects de la pensée liés à la tâche et aux «usagers» auxquels elle s’adresse. De telles transformations sont possibles pour autant que le groupe n’exclue pas ce qui déborde la prise en charge telle qu’elle est rêvée depuis la fondation. Si ce rêve du (des) fondateur (s) impulse un nouveau champ d’action, encore faut-il que la réalité des rencontres avec le «public» concerné entraîne un remaniement du scénario rêvé, et de l’organisation psychique qui en est issue. Si les professionnels prennent en compte les évènements tel celui que nous avons relaté, ces évènements font alors histoire.