C.7.1 Un nouveau directeur d’Hôpital : réformateur et terroriste

L’institution que nous allons considérer à présent est un centre hospitalier dont le directeur vient de partir en retraite après avoir «fini sa carrière» dans l’établissement veillant essentiellement à ce que le climat social demeure suffisamment paisible, et ne vienne pas troubler ses dernières années d’exercices. Ce directeur est décrit par des soignants comme «laissant couler», comme fermant les yeux sur des dysfonctionnements, comme n’activant pas certaines réformes ou réorganisations nécessaires au maintien d’une dynamique vitale. L’hôpital est alors en perte de vitesse, et certains services comme celui de la maternité sont menacés. C’est dans ce contexte qu’est recruté un jeune directeur, la quarantaine fringante, dont c’est le premier poste en tant que directeur d’établissement. Ce nouveau directeur est attendu par le personnel comme susceptible d’impulser les réformes nécessaires et de redonner un peu de «punch», un peu de tonus à cet établissement.

Et de fait c’est ce que cet homme va s’employer à faire au-delà des espérances les plus audacieuses du personnel. S’il était attendu comme un «réformateur», il se transformera rapidement en révolutionnaire zélé, à tel point que l’hôpital se retrouvera pris sous un régime de labeur forcené. S’installera alors un «règne de la terreur». Le nouveau contrat sera énoncé clairement, et le personnel (soignant) gardera en mémoire les premières phrases de cet homme : ‘«Il y a tout à faire ici !» «Il faut que les gens se mettent au travail ! Je veux faire de cet établissement «le meilleur».’ Et de se mettre à agir un management qui sacrifie à l’idéologie «bougiste». C’est la valse des personnes : ainsi de ces cadres soignants qui revenant de leurs jours de congés se retrouvent changés d’affectation sans en avoir été le moins du monde avertis, ..., de ces groupes de projets qui se multiplient, et des personnels qui croulent sous la charge de travail (tableaux, bilans, et comptes-rendus en tout genre) sous le couvert de l’accréditation. Dès lors les arrêts maladie et les départs (volontaires ou suscités) se multiplient, toute opposition est verrouillée à coup de menaces et de promotions.

À l’occasion d’une réunion officielle le groupe des cadres soignants sidérés, entendra ce directeur lui dire : ‘«... Et n’oubliez pas que je peux vous tuer !».’ Au travers d’un tel propos, il se pose alors comme celui qui joue de cette posture de tyran, sans le moindre embarras, faisant travailler ses esclaves soumis, séduits et/ou corrompus (à grand renfort de primes narcissiques).