C.7.2.1 Se prendre pour un fils sans père

On assiste au travers de cette situation à un enfouissement du passé sous les décombres du conflit. La révolution peut alors poursuivre son oeuvre «rénovatrice» avec ceux qui sont (encore) en mesure de marcher, ce qui n’est alors le cas que des plus jeunes et des moins exposés. Aussi, on ne sera pas étonné d’apprendre que les mouvements du personnel et les changements d’affectations, seront nombreux.

Ce sont l’ensemble des signifiants de la différence qui dans cette institution se sont trouvés attaqués et détruits : les différences dans les fonctions et les statuts singuliers référant à des identifications professionnelles spécifiques, les relations hiérarchiques et fonctionnelles. En son emprise sur l’histoire et les ancêtres le révolutionnaire se fait négationniste : le temps et l’histoire sont déniés.

‘«Il s’agirait au travers d’un acte (la révolution) de mettre fin à tous les désordres du «symbolique » » (P.L. Assoun 1994521).’

Le tyran se légitime à partir de deux «prétextes» : celui du désordre antérieur, ou celui d’un ordre rigide qui n’offrirait plus d’espace pour la mise en oeuvre du «bien commun». On a une nouvelle fois affaire à un rapt.

Dans un rapt de la légitimité sous le prétexte du désordre, le révolutionnaire délégitime ce qui procède du temps des pères, et de leur impossibilité manifeste à «mettre fin à tous les désordres du symbolique ». Il se met en place de réaliser la complétude narcissique que tous sont supposés attendre, et va ainsi oeuvrer à faire le «bonheur de tous», avec ou contre leur gré.

Lorsque l’on a affaire au»prétexte» du refus de la jouissance, les pères sont alors mis en place de la jouissance barrée : par où se profile le rapt de «toute la jouissance» qui ne manque pas alors de se produire, soit la transformation du révolutionnaire en tyran. Le meurtre des pères et/ou de ses signifiants redouble la dimension transgressive incestueuse qui vient au jour dans cette «conquête», là où le révolutionnaire rêve d’être un fils sans père - place qui n’est autre que celle du fils incestueux, tout entier occupé à s’assimiler à l’imaginaire du phallus (de la mère institution).

Notes
521.

Paul Laurent Hassoun (1994 a), La psychanalyse à l’épreuve du pouvoir - in Analyse et réflexion sur le pouvoir, Volume II, Ouvrage collectif, Paris, Ellipses, p. 70.