C.7.3.1.1 La confusion générationnelle

Le vécu «d’insuffisante» légitimité qu’éprouvait le groupe (re)fondateur de cet institut n’a pas permis que s’opère un «rangement généalogique», cette différenciation des places dans la génération institutionnelle et dans la fratrie (constituée alors par les différents enseignants). Le contexte historique de la fondation et des années soixante-huit a participé à cette dé-différenciation, puisque proposant à partir de l’idéologie disponible «sur le marché 527« de quoi se rassurer sur le bien-fondé des indifférenciations conviviales, et du primat de la créativité, hors de tout rapport d’autorité et de filiation (les deux registres étant au reste amalgamés). Cette institution est en cela, rattrapée en sa fondation même, dans le lien disqualifiant qu’elle a généré à l’égard de la structure de formation antérieure.

Lorsque Monsieur «C» parvient en place de directeur, il n’a pas souscrit aux pactes groupaux d’une façon qui lui barre la voie de la jouissance (mortifère). Sa liaison au groupe n’est pas parvenue à nouer son fantasme d’emprise à celui du groupe dans l’interdit. Même s’il va occuper historiquement une place de «second », sa place n’est donc pas une place habituelle de «second». Celui-ci est en effet voué à se situer en position «d’allégeance» à l’égard du groupe ; ceci de manière à ce qu’il ne puisse occuper la place réservée au «fondateur », avec la charge d’idéalisation et d’enflure narcissique correspondante. Dans une généalogie «habituelle», il importe que le «second» soit amené à expérimenter une «certaine impuissance» et soit alors contraint à requérir l’expérience antérieure des aînés528.

La configuration particulière de cette institution de formation n’a pas permis aux niveaux individuel et collectif, de faire barrage aux fantasmes organisateurs liés aux champs de la formation, à ces points de confusions (relatifs aux différences organisatrices) que tout sujet vient agir (révéler et méconnaître) dans une position professionnelle. L’interdit différenciateur n’a pas trouvé à s’énoncer dans sa consistance.

C’est un symptôme de confusion générationnelle analogue qui va constituer le lieu du débordement de la contenance individuelle et groupale : les relations sexuelles entre le directeur et les étudiantes. Dans l’histoire de cet institut, il faudra toutefois attendre une nouvelle configuration du groupe des professionnels enseignants pour qu’une butée soit mise à ces fourvoiements ; le groupe précédent avait lui composé avec ces passages à l’acte, au cours des années antérieures, non sans casse.

«L’intervention institutionnelle» s’enclenchera sous le prétexte d’une demande de «médiation» entre le groupe d’enseignant et le directeur. Elle sera portée par les enseignants nouvellement arrivés qui trouveront le climat quelque peu étouffant, leurs marges de manoeuvre par trop étroites et la charge de travail écrasante.

Notes
527.

Nous avons précédemment fait référence à cette proposition de Paul Fustier (1987) selon laquelle, dans son besoin de loger ses organisateurs inconscients et de justifier d’une apparente de rationalité, l’institution va cimenter son infrastructure imaginaire à partir des théories ambiantes. Ceci conduit a un usage réifiant de la théorie - cf. notre chapitre «Fréquenter des figures sidérantes», et la narration de la situation intitulée «Désir de meurtre,...».

528.

Au cours de l’intervention, dans cet institut de formation nous assisterons à l’arrivée d’une nouvelle enseignante. Peu jours après son arrivée, elle se retrouvera en train de crouler sous la charge de travail, et se verra donc contrainte à requérir l’aide du groupe, afin de parvenir à se repérer dans le dédale institutionnel, et dans les monceaux de documents pédagogiques qui lui seront remis. Cette modalité d’accueil, somme toute banale, sous une façade de bienveillancenotion bienveillance notion bienveillance notion bienveillance notion bienveillance notion bienveillance notion bienveillance notion bienveillance notion bienveillance et de collaboration (inattaquables), masque la demande (et la violence) habituelle de souscription aux pactes et contrats groupaux. La nouvelle venue se retrouve alors à devoir «demander de l’aide» sous peine de noyade, tout en se retrouvant «coupable» d’ajouter à la «charge de travail» des autres enseignants. On retrouve ici la modalité de «double lien» («double entrave») habituelle qui spécifie ces inclusions (pseudo-rituelles) dans les groupes.