C.7.4 Le contrat pervers : «aller jusqu’au bout»

«Aller jusqu’au bout !, les révéler à eux (à elles)-mêmes». Tel est le contrat proposé par ce directeur aux jeunes étudiant(e)s, sachant (selon la configuration des places telles que les détermine le contrat pervers), que le directeur est le seul à avoir quelque idée du «bout» où il va conduire les étudiant(e)s. - pour être mené à bien ce contrat suppose de se tenir dans l’ignorance des perspectives développées par le grand théoricien du «bout» qu’est Raymond Devos (1991529). Celui-ci a dévoilé l’évidence selon laquelle un « bout ça à toujours deux bouts», proposition qui s’agrémente d’une proposition complémentaire : «il y a toujours un bout au bout du bout». Or, c’est cela même que le pervers initiateur méconnaît, lui qui prétend connaître le «bout» et y conduire sa «proie». Jouer à ce jeu incestuel suppose d’établir un climat relationnel plus proche de celui de la tragédie que de celui de la comédie. L’humour est en effet introduction d’un léger décalage, d’un dégagement, et ceci ne sied pas aux scenarii d’emprises joués dans le registre de la «révélation initiatique»530, là où le savoir est rabattu dans l’ordre de la jouissance, sous le prétexte du primat de l’expérience.

‘«Cette séduction (du pervers) prend valeur de fascination ; toute la stratégie du pervers consiste à aborder tel type de désir érotique qui le caractérise et à tenter de révéler chez l’autre un désir équivalent ou d’obtenir de lui la réponse la plus adéquate à son exigence, traduisant donc l’émergence d’un désir complémentaire du sien.» (R. Dorey 1988531).’

La victime-complice du pervers est conviée à l’investir lui, comme nanti de «la connaissance sur le désir». Le pervers propose à sa «victime-partenaire» de croire que l’autre connaît ce qu’elle-même ne sait pas qu’elle désire - le contrat s’énonce alors sur le mode : «Je sais ce que tu désires et que tu ignores». Il fait miroiter la promesse d’une jouissance dans l’ordre de la révélation (et du sacré), d’une jouissance sans manque, qui dès lors ne peut être que «narcissique, phallique et mortifère532«. Une telle visée de complétude533 lorsqu’elle est agie dans l’ordre de la jouissance se doit d’épuiser l’objet, et en cela précipite les sujets dans une régression mortifère, hors de la parole.

Notes
529.

Raymond Devos (1991), Le bout du bout - in Matière à rire; Paris, Olivier Orbam, p. 328.

530.

On a pu souligner combien les formations à ces professions prédisposaient à une telle attente. Dans l’institution qui nous occupe, la dramatisationnotion dramatisation notion dramatisation notion dramatisation notion dramatisation notion dramatisation notion dramatisation notion dramatisation notion dramatisation , et le registre sexuel qui va être agi, met en scène une véritable mascarade.

531.

Roger Dorey (1988), Le désir de savoir - Paris, Denoël, p. 123.

532.

Selon les termes de Paul Laurent Assoun.

533.

Lacan défini par l’expression : «celui qui en sait un bout» la position moïque, et dénonce la duplicité qui va se constituer à partir de ce savoir dans une visée de clôture qui donnerait au «moi» à croire en sa consistance. Lacan (1969-1970), Le Séminaire livre XVII - L’envers de la psychanalyse, Paris, Seuil, (1991 b), p.32.