C.8.1.2 L’architecture : marqueur de la temporalité

Puisqu’il est ici question de transformations architecturales, soulignons que la configuration architecturale d’une institution s’impose comme témoignage des différentes temporalités et comme traces projectives du travail de «l’appareil psychique groupal » (R. Kaës) d’une institution. En 1929545 Freud aura recours à la métaphore de la ville de Rome pour dessiner la configuration de la psyché, au sein de laquelle s’intriquent, se recouvrent, se juxtaposent différentes temporalités en des traces tangibles ou indéchiffrables, en des vestiges énigmatiques. À l’identique avec ce qu’il énonce de la non-inscription de la représentation de la mort au niveau du psychisme, Freud octroie un statut d’éternité à la «ville éternelle». Les bâtiments, leur architecture et leur (relative) permanence réfèrent ainsi à une temporalité qui déborde celle des sujets individuellement, et donc à une pérennité qui convoque une visée d’immortalité ; simultanément ils jouent comme marqueurs temporels, datables, au travers de leur aspect, et de leur inévitable dégradation.

L’inscription temporelle et le «processus identificatoire» (P. Aulagnier 1975), demeurent pour les institutions, à l’identique avec ce qu’il en est pour les sujets, une construction à jamais en chantier (pour autant que la structure se maintienne vivante). L’institution est en permanence menacée de l’uchronie dont procède la mise en oeuvre de l’utopie (R. Kaës546). Or la constitution spatiale et l’apparence architecturale des institutions témoignent des différentes temporalités. Les dynamiques psychiques institutionnelles qui sous-tendent les projets (conscients et inconscients) et la construction de bâtiments nouveaux sont autant de tentatives de régénération de l’idéal institutionnel, idéalisation indispensable à la réalisation de la tâche primaire. Dès lors se profile le paradoxe qui découle de la création spatiale de nouvelles configurations dans la réalité. Ce qui se dessine de façon indubitable (à l’identique avec ce que nous avons pu souligner du passage générationnel, notamment celui qui se joue lors du départ du fondateur, c’est un marquage temporel, la trace d’une limite qui vient rompre une temporalité «suspendue» ; or le projet mobilise l’idéal, et vient en cela ranimer la visée de complétude narcissique inscrite dans la fondation. Le travail d’appropriation subjectivante requis de la part des professionnels, se met dès lors à osciller entre refus et consentement.

Notes
545.

Freud (1929), Le malaise dans la culturenotion culture notion culture notion culture notion culture notion culture notion culture notion culture notion culture - Trad. franç. Paris, Quadrige/Puf, 1995, p. 10-13.

546.

René Kaës (1980), L’idéologienotion idéologie notion idéologie notion idéologie notion idéologie notion idéologie notion idéologie notion idéologie notion idéologie , Études psychanalytiques - Paris, Dunod, 284p.