C.8.1.4 «L’histoire ne m’intéresse pas !»

Au cours «d’interventions institutionnelles» au sein de différentes institutions se situant (a contrario des «Terrasses») en dehors du temps de la fondation et en dehors de la présence d’un fondateur, à diverses occasions, le travail s’est trouvé émaillé d’affirmations péremptoires : «L’histoire ne m’intéresse pas !» .

Ce «vouloir ne rien savoir de l’histoire» de l’institution se constitue pour les nouveaux comme gage de fidélité envers celui qui les a choisis. Ce sont en effet les derniers arrivés qui énoncent de telles positions. En elles-mêmes, elles disent la violence des liens d’emprise redoutée, et de l’attaque qui se met en place défensivement à l’égard des anciens. «Ne rien vouloir savoir», c’est également ne rien vouloir savoir de ces autres qui ont partagé cette histoire et s’y sont construits. Ces nouveaux arrivants imaginent que s’ils commencent à regarder le passé, ils ne pourraient plus tenir leur place dans ce qu’ils imaginent du contrat narcissique qui les a revalidés dans leurs identifications professionnelles, au travers de leur recrutement.

À leur propre niveau, éradiquer l’histoire équivaut alors à nourrir le narcissisme du directeur, qui au travers des nouveaux professionnels joue du renouveau de l’institution et de son empreinte. Les personnels embauchés sous son «règne» sont à même de devenir ses hommes liges. Les nouveaux ne veulent pas s’encombrer 554 du poids qui vient immédiatement leur recouvrir les épaules, dans les différentes assignations qui sont, elles, le fruit de l’histoire précisément 555.

Un paradoxe se noue alors pour eux : s’ils accèdent à l’histoire, ils ne sont plus les nouveaux (imaginaires) à même de régénérer l’institution, soit de souscrire au pacte qui les lie à celui qui les a engagé, celui qui a reconnu leur expérience comme valide, et qui a souhaité faire bénéficier la structure de leur expérience et de leur compétence. Dans leur refus de l’histoire ils tentent de préserver ce qu’ils peuvent éprouver comme leurs forces vives, celles des nouveaux chevaliers, qui prennent à leur tour leur place dans la lutte contre le monstre.

Notes
554.

À d’autres moments cette même revendication de méconnaissance se joue autour de l’histoire des «usagers». Les nouveaux venus ne veulent savoir ni leur histoire familiale, ni celle que ces «usagers» ont partagée au sein de l’institution, et avec leurs collègues plus anciens.

555.

Ainsi de ce groupe de professionnels où à l’occasion d’une intervention institutionnelle, et d’une évocation de la structure, trois personnes se découvriront simultanément dans une même assignation imaginaire, toutes trois croyant occuper la place d’une professionnelle ayant marqué l’histoire récente du groupe.