C.8.2 Le nouveau copie de l’ancien

Avant de poursuivre, précisons d’avantage le cadre de l’institution, et dessinons le contexte des transformations. Rencontrer l’institution «Les Terrasses», c’est en premier lieu découvrir un pays de verdoyantes collines. Toute de pierre façonnée, différents corps de bâtiments resserrés autour d’une cour intérieure, la bâtisse qui abrite l’institution a conservé l’apparence d’une ancienne construction typique du «pays». Depuis la cour, la vue porte sur un horizon où alternent champs, vergers et garrigue. Cette solide bâtisse est ancrée là depuis de nombreux siècles ; les différentes transformations, n’ont entamé ni l’âpreté, ni la robustesse, ni l’harmonie du lieu. La couleur de la pierre fait écho à la terre ; ici le temps semble se reproduire de façon cyclique au fil des saisons, à la mesure de l’a-temporalité de la nature alentour.

Lorsque les nouvelles constructions seront terminées, elles se retrouveront visuellement fondues dans la configuration générale. La «deuxième maison» viendra se loger dans un ancien corps de ferme, de façon telle que l’unité de l’ensemble n’en sera pas fondamentalement altérée. Le nouveau se doit de ressembler à l’ancien, puisque l’on se trouve non pas dans la mobilisation d’une «nouvelle donne», mais bien dans une tentative de transmission sans rupture, sous l’égide d’un directeur-fondateur. La configuration architecturale dit en acte une part du projet ; il s’agit d’une extension, non d’une révolution.

Il faut ici noter que l’ancienne maison avait été restaurée par les fondateurs, et littéralement imprégnée de leur sueur. Pour la construction des nouveaux bâtiments, l’institution va faire appel à des maçons professionnels. La rapidité de réalisation du chantier opposée à la lenteur de la construction initiale (et des incessantes rénovations) façonnée par les fondateurs en présence et avec l’aide des premiers enfants et adolescents accueillis, donne à croire que le temps de l’appropriation n’est pas respecté. Le travail des artisans professionnels signe, dans la matière, la fin d’une «illusion groupale» (D. Anzieu).

Les dynamiques d’emprise qui vont alors se potentialiser témoignent du deuil de l’utopie fondatrice. Ceci va produire un forçage supplémentaire, au travers de la mise en oeuvre d’une volonté que les nouveaux arrivants soient mis en place d’héritiers et non pas en place de partenaires d’un nouveau projet - c’est cela même qu’ils revendiqueront avec passion, lors des premières tensions institutionnelles.