C.8.2.2 «Où range-ton les pantoufles ? L’élaboration du «collectif

Lorsqu’un nouveau venu prend place dans une configuration groupale existante, il est invité à occuper une des places demeurée vacante au sein du scénario fantasmatique qui organise le groupe. Tout groupe institutionnel se configure relativement à des sujets avec lesquels il se propose de composer, et à des symptômes spécifiques ; les assignations y sont ainsi très largement contingentées, dans une corrélation des subjectivités (R. Kaës 1985556). A contrario de ce qui s’est joué dans l’ancienne maison, dans des locaux neufs, il faut «habiller les murs», répartir l’espace. Dans ce contexte, le travail d’appropriation est l’affaire de tous (anciens et nouveaux professionnels). Au niveau du quotidien, il y a lieu de décider en commun la place de chaque chose, et au travers d’un tel mouvement se dessinent et se négocient les places de chacun. C’est le trivial travail de rangement et d’aménagement qui contraint au partage et à l’appropriation. La place des pantoufles va dès lors devenir métaphorique de la stabilisation et d’une certaine pacification atteinte dans le vivre ensemble et donc dans l’appareil psychique groupal de cette équipe557. Rappelons que les bâtiments donnent sur une cour intérieure, et plus loin, sur la campagne ; la place des chaussures est donc un des détails les plus à même de marquer le passage du singulier au collectif, de l’extérieur à l’habitat collectif, et ce faisant d’un «dehors» à un «dedans», signant la transition et l’intégration.

Le groupe des professionnels qui a eu à s’approprier le nouvel espace a donc du apporter une réponse collective à cette «importante» question : «Où range-ton les pantoufles ?». La place attribuée aux chaussures va ainsi s’offrir dans le discours institutionnel comme réponse au travail psychique requis, signant l’accord, pour la mise en dépôt et la mise au silence d’un certain nombre de dynamiques (relations entre les différents professionnels, entre les différentes fonctions, entre le groupe des professionnels et le groupe des jeunes accueillis, ...). La stabilité des places est assurée dès lors que chacun sait où se trouvent ses «pantoufles» et ses «baskets». Au travers de cette métaphore, le groupe signe le fait qu’il est parvenu à obtenir une dose de confort «suffisant558«. La stabilisation des places suppose l’acceptation d’identifications mutuelles ; ces identifications à leur tour, rendent possible une centration sur la tâche primaire.

Notes
556.

René Kaës (1985), Filiation et affiliationnotion affiliation notion affiliation notion affiliation notion affiliation notion affiliation notion affiliation notion affiliation notion affiliation . Quelques aspects de la réélaboration du roman familialnotion romanfamilial notion romanfamilial notion romanfamilial notion romanfamilial notion romanfamilial notion romanfamilial notion romanfamilial notion romanfamilial dans les familles adoptives, les groupes et les institutions - Gruppo, 1, p. 23-46.

557.

À propos de «pantoufles» Paul Fustier use d’une métaphore similaire dans son ouvrage de 1993, et en fait un signifiant du «familialisme» - différence notable entre ces approches : chez lui les pantoufles relèvent de la catégorie des «chaussons» ! (Paul Fustier [1993], Les chaussons de service : l’allégeance au familial - in Les corridors du quotidien, Lyon, Pul, p. 71-72).

558.

Quand bien même il ne s’agit pas de «charentaises».